• Chapitre 7 : Un Manque Incontrôlable

    Chapitre 7 : Un Manque Incontrôlable

     

    « Nous sommes toujours sans nouvelles des deux adolescents disparus il y a maintenant une semaine aux alentours du quartier des Beaux marais. L'enquête policière suit son cours mais l'avenir s'assombrit pour les familles qui voient leurs chances de retrouver leurs enfants s'amenuiser de jour en jour. Kidnapping ou fugue, pas une seule preuve ne peut confirmer ou infirmer l'une de ces hypothèses sur lesquelles travaille la police. Toutefois, l'incendie criminel ayant eut lieu dans la même rue le soir même de leur disparition laisse penser qu'un lien existerait entre les deux affaires. Malheureusement, à ce jour, le seul témoin n'est autre que la propriétaire de la maison, madame Hildebert, toujours plongée dans le coma à l'hôpital Bon Secours. Mais les médecins restent confiants la concernant allant jusqu'à dire « Si les pompiers l'avaient trouvé dix minutes pus tard ça aurait été différent mais là, elle a de bonnes chances de survivre... »

    L'image de la présentatrice du journal disparut soudainement pour ne devenir plus qu'un point de lumière s'estompant rapidement au centre de l'écran noir. Aaron avait décidé d'éteindre la télévision. Le silence fit donc sa réapparition dans le salon laissant notre ami pensif sur le vieux canapé de cuir noir. Télécommande dans une main, il était recroquevillé et enserré ses jambes, le regard perdu dans le lointain. Comme si ses pensées avaient pris le même chemin que l'image de la télévision. Seul le tic tac agaçant de l'horloge perturbait le calme ambiant.

    Cela faisait quelques jours qu'Elyas n'avait pas donné signe de vie. Il n'était repassé qu'une seule fois depuis leur entretien dans son bureau et avait permis à Aaron et Léo d'accéder à la quasi totalité de la demeure. Et au final, cette dernière était bien plus grande que ce que notre jeune ami avait imaginé. Pour faire simple, la maison possédait autant d'étage que le nombre de fruits en Cristal fixés sur le Lustre, à savoir quatre. Généralement, Aaron et son comparse naviguaient entre les étages représentés par la banane et le raisin. Le premier était celui des chambres dont les portes étaient à présent toutes déverrouillées. C'est comme ça qu'ils découvrirent qu'Edwin dormait dans la chambre juste en face de la leur, que la porte à droite donnait dans une salle de bain spacieuse et que la dernière porte préservait l'intimité d'une chambre où personne ne résidait. Le Raisin, quant à lui, leur offrait accès au rez de chaussé où ils passaient le plus clair de leur temps. On y trouvait la porte d'entrée qui restait éternellement condamnée, la cuisine où la gouvernante s'enfermait souvent, un immense salon où Aaron aimait traîné devant la télé et enfin une bibliothèque dont les étagères étaient si hautes qu'elles en donnaient une sensation de vertige.

    Les enfants savaient que la demeure se composait encore de deux étages mais il ne leur était pas permis d'y traîner. Le jeune Durtsam savait que la pomme donnait accès aux appartements et au bureau d'Elyas du fait de sa mésaventure des derniers jours et des explications qu'il avait reçu. Par contre, pour le dernier cristal en forme de cerise et qui était placé bien plus haut dans le lustre, il n'avait aucune idée de ce qu'il dissimulait. Un grenier peut-être ? Mais de toute façon il avait l'interdiction formelle de tenter d'y accéder car soit disant dangereux.

    Bref, ce qui était au départ semblable à une séquestration n'en était plus vraiment une aux yeux d'Aaron qui s'était fait petit à petit à cette vie qui s'était imposée à lui. Il n'était pas rassuré pour autant mais la discussion qu'il avait eut avec Elyas l'avait intrigué à un point qu'il s'imaginait parfois tel l'un de ces héros de série ou de film qu'il aimait tant regarder. Si cette flamme étrange était bien entrée en lui et si ce qu'on lui avait dit était vrai, que devait-il faire à présent ? Qu'allait-il devenir ?

     Voilà pourquoi Aaron semblait si soucieux, assis sur ce canapé. Sans oublier qu'on n'arrêtait pas de parler de sa disparition à la télévision ce qui n'arrangeait rien à son mal être. Il aurait voulu aller voir ses parents, leur dire que tout allait bien, qu'il n'avait pas fugué, qu'il n'était pas mort et surtout qu'ils ne devaient pas s'inquiéter. Mais malheureusement, cloîtré entre les murs de cette prison, il ne pouvait aller nulle part. Et inutile de songer au téléphone car il n'y en avait aucun dans la maison. Non, Aaron devait se résigner à attendre qu'Elyas soit de retour et qu'il lui permette de parler ne serait-ce qu'un instant à ses parents.

     Le calme régnant dans le salon fut interrompu par l'arrivée d'Edwin qui portait une pile d'assiette qu'elle déposa sur la grande table. Son visage radieux s'estompa en voyant celui moins jovial du garçon. Inquiète, elle délaissa son travail et décida de s'approcher d'Aaron pour tenter de chasser ses horribles pensées qui le malmenaient. Elle plongea ses mains dans la poche centrale de son tablier et en sortit un calepin accompagné d'un crayon. C'était le seul moyen qu'elle avait trouvé pour palier à son handicap. Délicatement, elle alla s'asseoir sur le rebord de la table basse pour faire face à lui et l'observa avec un grand sourire durant quelques secondes. Puis, griffonnant quelque chose sur le papier, elle le présenta aux yeux du garçon.

     Dubitatif, Aaron se laissa tenter par ce contact que tentait de mettre en place la gouvernante. Il porta attention à l'écriture agréable de cette dernière et put lire qu'elle voulait savoir ce qui n'allait pas. Haussant les épaules, Aaron rechigna à répondre préférant se conforter dans ce silence qui lui allait si bien. Cependant, Edwin n'était pas du genre à baisser les bras facilement. Elle se remit alors à écrire sur son calepin avec rapidité avant de plaquer de nouveau ce dernier juste devant le nez de l'adolescent. « Cela te dirait de voir un petit tour de magie ? » voilà la question qu'il put lire à nouveau. Seulement, encore une fois, il resta impassible devant les efforts de la jeune femme pour lui changer les idées. Mais cela ne changea rien à la motivation de celle-ci qui courut vers la commode longeant la table du salon et en sortit un étrange papier couleur argenté. Elle revint se poser cette fois-ci juste à côté d'Aaron et se remit à écrire tout en le laissant regarder. Son mot s'adressait cette fois à Léo à qui elle demandait de venir dans le salon pour l'aider à mettre la table. Elle signa la feuille de son nom puis la déposa sur la table basse. Notre jeune ami ne comprenait pas où elle voulait en venir surtout que Léo devait encore être entrain de trainer dans la bibliothèque. En quoi écrire cette lettre était-il un tour de magie ? Et bien il allait vite le découvrir ! Décrochant sa cuillère en bois qu'elle gardait toujours attachée à sa ceinture, Edwin tapota la feuille d'un geste précis. Très rapidement, l'effet escompté fut visible : le bout de papier se mit alors à remuer puis à se transformer en un magnifique petit oiseau qui leur offrit un petit gazouillement avant de s'envoler sous les yeux émerveillés des deux protagonistes. Fini la petite moue qu'affichait Aaron, à présent une certaine excitation était perceptible. Il se redressa pour suivre du regard le nouveau résidant de ces lieux et le vit disparaître derrière la porte menant dans le hall central.

     - Comment tu as fait ? S'exclama-t-il en regardant Edwin. Comment cette feuille a pu se transformer en oiseau simplement en tapant dessus avec ta cuillère ? 

     Amusée, la gouvernante pouffa légèrement tout en allant reprendre son bloc note dans les mains et en écrivant sa réponse dessus. Elle déposa ce dernier sur les genoux d'Aaron au moment même où Léo fit son apparition dans le salon, l'air quelque peu affolé.

     - Edwin ! Y'a... Y'a un oiseau qui est venu se poser dans mes mains et qui s'est transformé en... en ça ! Déclara-t-il en agitant la feuille d'argent en l'air.

     La seule réponse que fit la jeune femme fut de sourire chaleureusement au plus petit des enfants. Elle observa alors Aaron qui venait de découvrir son dernier écrit : Elle lui avait révélé que cette feuille n'était autre qu'un courrier magique permettant d'écrire à n'importe qui en tout temps et en tout lieu. Voyant qu'il avait enfin fait disparaître cette nostalgie de son visage, Edwin lui caressa amicalement sa tignasse avant de se lever et de rejoindre Léo qui ne comprenait toujours pas ce qu'il s'était passé.

     - C'est toi qui m'a envoyé cet oiseau ? C'est toi qui m'a écrit ça ? L'interrogeait-il pour essayer de comprendre.

     Mais pour unique réponse, Edwin lui tendit la main et l'emmena en dehors du salon pour se diriger vers la cuisine. Elle comptait bien s'occuper de lui à présent en le divertissant avec la préparation du plat prévu pour le soir même. Aaron se retrouva ainsi de nouveau seul dans le salon en tentant de comprendre ce qui venait de se passer. C'était tout bonnement génial ! Alors voilà les choses qu'il allait apprendre à connaître ? Il avait toujours rêvé secrètement de devenir comme l'un de ses personnages de fictions. Et voilà que son rêve devenait réalité. Un sourire béat se figea sur son visage, sans doute l'un des premiers depuis qu'il vivait entre ces murs. Il était heureux et ne pouvait contenir plus longtemps sa joie. Ses yeux étincelant de bonheur, il n'avait qu'une seule envie le crier haut et fort.... Mais à qui ? Oui voilà une excellente question qui lui fit perdre tout entrain. Il n'avait plus de contact ni avec sa famille, ni avec ses amis.... pas même son meilleur ami dont il n'avait toujours aucune nouvelle.

     C'est ce dernier mot qui résonna en écho dans l'esprit de notre garçon. « Nouvelle » ! La tentation était si alléchante. Il était seul et on avait beau lui avoir interdit de tenter de contacter sa famille, personne n'en saurait rien. Ses parents avaient le droit de savoir. Ils avaient le droit d'être avisé du fait qu'il allait bien. Et lui se sentirait tellement mieux également. C'était plus une envie de bien faire qu'une envie de transgresser des règles strictes qu'on lui avait imposé sans qu'il ne puisse en donner son avis. C'est dans cet esprit de motivation, qu'Aaron se leva promptement et accouru au niveau de la commode ouverte précédemment par Edwin. Il en subtilisa une autre feuille d'argent qu'il cacha sous ses vêtements avant de refermer le meuble.

     - Je peux t'aider ? Lança une voix nasillarde et assez sévère qui surpris grandement le garçon qui se croyait seul.

     Sursautant sur place, Aaron tira instinctivement son pull pour dire de bien cacher l'objet de son délit. Puisqu'il tournait le dos à cette personne dont il n'avait pas reconnu la voix, il se retourna afin de l'observer. Femme d'une quarantaine d'année environ, son visage pâle était mis en avant par une chevelure rousse flamboyante qu'elle avait coiffé en chignon. Son petit nez fin jouait en parfaite contradiction avec ses deux grands yeux noirs qu'elle dirigeait avec véhémence vers notre ami. Bref, Aaron n'avait absolument pas d'idée sur l'identité de cette dernière mais savait pertinemment que si elle était là c'est qu'elle connaissait Elyas. Il espérait juste une chose : Qu'elle ne l'ait pas vu prendre cette feuille !

     - Qui êtes vous ? La questionna-t-il alors avec une pointe de suspicion dans la voix.

     - En voilà une impolitesse, répondit-elle en gardant une attitude glaciale.

     Sans en dire plus, la mystérieuse inconnue déboutonna l'attache de son châle gris qui reposait sur ses épaules et déposa ce dernier sur la première chaise qui croisa son chemin. Elle en laissa une main délicatement posée et regarda son interlocuteur avec un sourire amusé.

     - Mais soit ! Je veux bien répondre à ta question. Je m'appelle Ginger, Ginger McBrain, membre du conseil magique. Et je suppose que tu es le dénommé Aaron. Ne prends pas cet air surpris, cela fait un moment que nous te cherchons avec Elyas. Et puis tu n'es pas n'importe qui. Ton nom commence à avoir une certaine renommée.

     - Mon nom ? Et pourquoi ? Poursuivit Aaron qui se noyait de nouveau dans un océan totalement inconnu à ses yeux.

     - Tututu ! Le stoppa Ginger d'un bruit sec de la bouche en levant le doigt en l'air comme une professeur le ferait pour faire taire ses élèves. Préserve tes questions pour ce soir lors du repas. Pour l'heure, j'ai quelques affaires à terminer avant le retour d'Elyas.

     - Elyas sera là ce soir ?

     - Hummm, acquiesça-t-elle d'un geste délicat de la tête avant de faire claquer ses talons sur le sol et de quitter le salon.

     Ainsi, il aurait une nouvelle occasion de voir Elyas durant la soirée. Peut-être pourrait-il lui en dire plus sur ce qui l'attendait ? Peut-être le laisserait-il voir ses parents au moins une fois ? Ses parents ! Dans un vif réflexe, la main d'Aaron se posa sur son ventre où un bruit révélateur lui confirma que sa feuille était toujours là. Si ses espoirs devenaient payant, il devait absolument les contacter pour leur dire qu'il ne tarderait pas à venir les voir. Du moins, l'essentiel était de les rassurer et de leur dire que tout aller bien pour lui.

     Il quitta alors le salon, se rendit dans le hall où le lustre l'attendait patiemment. Il en toucha le cristal en forme de banane pour se rendre directement à l'étage des chambres. Ceci fait, il ne perdit pas une seconde pour rejoindre son lit et commença à écrire une lettre qu'il destinait à ses parents grâce à un des crayons de Léo qui traînait sur la table de chevet. Sa rédaction ne dura pas plus de dix minutes. Il savait parfaitement ce qu'il voulait leur dire et avait juste hésité à utiliser certains mots dont il n'était pas sûr de l'orthographe. Il savait que son père serait déjà là à critiquer chacune de ses fautes. Au final, il leur avait raconté que tout allait bien pour lui et qu'il espérait être de retour chez eux dans les prochains jours. Il n'était pas rentré dans les détails et n'avait pas raconté tout ce qu'il avait découvert de ce monde magique caché. De toute manière, ils ne l'auraient pas cru. Voire pire car son père pourrait prendre cela pour une folie justifiant d'être enfermé ou même l'envoyer dans un camps de redressement pour mensonge. Il espérait juste que voir son oiseau se transformer en courrier serait suffisant pour le croire à son retour.

     Le dernier point ajouté sur le papier, notre jeune ami commença à plier ce dernier en quatre avant de le glisser dans la poche arrière de son pantalon. Restait à présent un détail important pour envoyer son petit mot dans le plus grand des secrets : Réussir à subtiliser l'étrange cuillère d'Edwin. C'est avec cette cuillère qu'elle avait réussi à changer la feuille en oiseau et c'est de la même manière qu'Aaron procéderait. Alors comment allait-il faire pour s'emparer de l'objet en bois ? Il n'en avait pour le moment aucune idée.

     La porte de la chambre s'entrouvrit brusquement dans un petit grincement laissant comprendre que les gonds avaient vraiment besoin d'être graissés. Le visage innocent de Léo se laissa entrevoir dans l’entrebâillement et Aaron ne put que remarquer la trace de farine visible sur son front. De toute évidence, le petit moment passé avec Edwin dans la cuisine avait du finir en petit jeu amusant.

     - On mange dans cinq minutes Aaron, indiqua-t-il tout d'abord.

     - Ok ça marche !

     - Et Elyas est là...

     Une soudaine étincelle dans ses yeux laissa comprendre aussitôt que cette seconde information intéressa davantage notre jeune ami. Il sauta en dehors du lit et courut à la poursuite de Léo qui était déjà reparti. La soirée s'annonçait sous de bons présages...

     

    Suite : "Chapitre 8"


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