• Chapitre 5 : De découverte en découverte

    Chapitre 5 : De découverte en découverte

     

    Le temps semblait interminable dans cette prison faite de bois et au plus grand drame d'Aaron il n'y avait aucun moyen de savoir quelle heure il était précisément. Pas d'horloge, pas de réveil, pas de montre, pas de portable... Rien ! Tout ce dont il était persuadé c'est qu'il avait énormément dormi et que son estomac commença à râler bruyamment pour lui faire comprendre qu'une rébellion se préparait et que s'il ne mangeait pas très vite il en serait la pauvre victime. En même temps, il n'avait rien avalé depuis la veille au midi à cause de tout ce qui lui était arrivé. Posant une main sur son ventre qui ronronna une énième fois, Aaron essaya de camoufler sa faim du mieux qu'il le pouvait tandis que Léo leva les yeux vers lui en les fronçant comme pour le sermonner car il le déconcentrait. Ce dernier se repositionna ensuite à quatre pattes, arma sa bille au niveau de son pouce. Puis d'un geste vif, il lança le projectile sur l'espace de jeu qui avait été préalablement déterminé et en fit sortir la dernière petite bille qui trainait par là.

    - J'ai encore gagné ! S'écria-t-il victorieux, le visage illuminé par la joie.

    Se relevant aussitôt, le jeune garçon se mit alors à opérer une étrange danse en tournoyant sur lui-même. Ceci amusa plus qu'autre chose Aaron qui l'observait avec le sourire aux lèvres. Sa chorégraphie de la victoire terminée, Léo alla récupérer toutes ses billes pour les remettre dans un sac qui commençait à faire la tête qu vu de son état lamentable. On pouvait même se demander comment les billes n'avaient pas encore trouvé le moyen de s'échapper par les petits trous qui commençaient à se former.

    - Bon c'était facile, t'as pas fait beaucoup d'efforts pour te battre, commenta-t-il soudainement en ramassant la dernière grosse bille.

    - Mais...

    Alors qu'il comptait rétorquer à cette remarque, Aaron fut interrompu par l'ouverture soudaine de la porte qui grinça derrière lui. Son coeur s'emballant aussitôt, il tourna la tête et vit apparaître devant lui une jeune femme qu'il n'avait encore jamais vu jusque là mais qu'il sut être la fameuse Edwin en voyant le plateau qu'elle tenait entre ses mains. D'une chevelure au roux ensorcelant, la demoiselle débordait de charme. Le visage souriant, le teint clair, les yeux d'un bleu captivant faisaient des atouts convaincants chez cette dernière. Vêtue d'une robe d'un bleu pastel mêlé d'un blanc pur, le tout parsemé de diverses décorations aux couleurs vives... On ne pouvait s'y tromper : Edwin était quelqu'un de jovial ! Et du haut de ses quatorze ans, Aaron n'était pas indifférent à ses charmes.

    Il mit donc un peu de temps à se relever et à se diriger vers la nouvelle arrivante. Il était pourtant parti pour râler comme il savait le faire et pour obtenir le fin mot de l'histoire mais non... Il n'en fit rien, l'esprit adouci par l'aura angélique de la jeune femme. Ceci permit à celle-ci d'apporter le plateau sur la table ronde et d'y déposer les couverts nécessaires pour deux personnes. Sans doute habitué, Léo ne tarda pas à aller s'installer sur sa chaise et à empoigner un morceau de pain qu'il commença à grignoter. Pour Aaron, même si la faim continuait à le tourmenter et encore plus depuis qu'il savait la nourriture à proximité, l'impératif n'était pas son assiette mais d'en découvrir un peu plus sur les raisons de sa captivité.

    - Vous pouvez me dire ce que je fais là ? Pourquoi m'avoir emmené ici loin de ma famille ?

    Edwin pivota alors la tête vers lui en affichant un sourire navré. Elle haussa les épaules et sembla chercher soudainement quelque chose autour d'elle. En réalité, elle se sentait mal à l'aise et fuyait le regard du gamin. Du coup, malheureusement, aucune réponse ne sortit de sa bouche comme si le sujet était quelque chose de tabou. L'énervement commença à gagner Aaron qui perdait patience face à des personnes qui ne savaient pas lui expliquer ce qui lui arrivait. Ses joues passant à une couleur rosée, il était sur le point de pester de rage contre la femme mais la voix de Léo l'interrompit dans son élan.

    - Edwin est muette. Elle ne pourra pas te répondre.

    Surpris, la bouche ouverte, Aaron jeta un oeil sur Edwin qui le lui confirma en hochant la tête toute penaude. Une vague de déception déferla sur notre ami qui laissa tomber tête et épaules puis prit place assise sur sa propre chaise. L'espoir qu'il avait tant nourri durant cette matinée venait d'être balayé avec une cruelle facilité. La jeune femme se mordit alors les lèvres montrant qu'elle s'en voulait de ne pouvoir l'aider. Edwin était quelqu'un de compatissant et d'une gentillesse démesurée avec les enfants. C'est ce qui faisait qu'ils l'appréciaient.

    - On pourrait avoir des spaghettis avec des boulettes de viande comme la dernière fois Edwin ? Demanda alors Léo avec envie.

    La demoiselle retrouva le sourire et hocha une nouvelle fois la tête pour accepter la demande du plus petit des deux garçons. Elle s'empara d'une étrange cuillère de bois et l'agitant quelques secondes au dessus de la casserole, elle tapota le couvercle une fois et brusquement de la fumée s'échappa de l'intérieur. Ravie, Edwin rangea sa cuillère au niveau de sa ceinture puis souleva le couvercle pour laisser entrevoir le plat tant souhaité par l'enfant. Boudant jusque là, Aaron ne put faire autrement que de prêter attention à ce qui venait de se produire. Coup de chance ou tour de passe-passe ? Là était la question.

    - Comment... Comment as-tu su qu'on allait manger ça ? Lança-t-il suspicieux en direction de Léo

    - Bah je viens de le demander ! T'es sourd ou quoi ? Répondit-il avec dédain avant de se jeter sur l'assiette que lui servit Edwin.

    La main délicate de cette dernière s'empara alors de l'assiette d'Aaron qui l'observa complètement intrigué. Mais qu'est-ce que tout cela signifiait ? Est-ce qu'il était entrain de rêvé ? Le plat fut servi mais malgré ça, Edwin vit bien que le nouvel habitant des lieux n'était pas rassuré. Elle lui sourit une dernière fois en quittant avec regret la pièce sous le regard inquiet du jeune Durtsam. Le claquement de la porte une fois retentit, c'est un tout autre Aaron qui sortit très vite de table. Un Aaron beaucoup plus curieux et déterminé. Il se rua avec rapidité à la poursuite de la jeune femme dans l'espoir de pouvoir fuir au contraire de son échec de la veille. Seulement, il fut stupéfait de retrouver le hall vide et les autres portes éternellement clauses. Bien sûr, il tenta une nouvelle fois de les ouvrir mais le succès ne fut pas au rendez vous. Triste et songeur, il revint alors s'asseoir devant son assiette pendant que Léo, lui, léchait la sienne pour se régaler des dernières traces de son repas. L'esprit perdu dans ses pensées, Aaron commença à picorer vaguement dans son plat de pâtes. Il n'arrivait pas à comprendre comment Edwin avait pu disparaître aussi soudainement. Il aurait dû au moins voir une porte se refermer ou une poignée remuer. Mais là rien... Pas un seul signe de vie !

    - Tu n'as pas faim ? Demanda soudainement la voix de Léo qui l'extirpa de ses pensées

    - Si si... C'est juste que... Enfin bon je me demandais où était passée Edwin ?

    - Et bien dans les cuisines je suppose !

    - Je ne sais pas si tu as remarqué, mais toutes les portes sont fermées par là.

    - Et alors ? Tu n'as pas besoin de clé pour les ouvrir ! La dernière fois, Elyas a touché le lustre.

    Dans un bruit agressif, la fourchette d'Aaron quitta sa main droite pour retomber lourdement sur son assiette. Lui qui s'acharnait depuis la veille pour trouver le moyen de sortir de cette prison avait eu la solution à ses problèmes juste à côté de lui durant tout ce temps. Prenant une voix emplit de reproches, il lança contre le plus jeune :

    - Le Lustre ? Et tu pouvais pas me le dire plus tôt ???

    - Tu ne me l'as pas demandé, expliqua Léo légèrement désolé.

    - C'est pas grave. Et tu crois qu'il cache une clé là haut ?

    - Mais non !

    - Alors quoi ? Y'a un bouton caché qui ouvre les portes ?

    - J'en sais rien. Elyas a juste touché le lustre et ça nous a amené dans un grand couloir qui menait aux cuisines. Enfin c'est ce qu'il m'a dit car on est entré dans une autre pièce où l'attendait d'autres personnes.

    Perdant patience devant les explications sans queue ni tête du gamin, Aaron repoussa son assiette et s'empressa de regagner le hall. Toutefois, cette fois-ci, il fut suivi par son acolyte qui était intrigué par l'agitation de son aîné. La porte se referma derrière eux et il observa silencieux le lustre en cristal à la recherche de la moindre trace d'un bouton ou d'une clé. Seulement il ne vit rien et une nouvelle fois il fut envahi de déception. Le regard noir, il dévisagea Léo qui lui restait dans l'attente. Encore une invention issue tout droit de l'esprit imaginaire des enfants ! Pourtant il était habitué avec sa soeur, il aurait dû s'y attendre.

    - Bah alors ? Pourquoi tu ne touches pas les petits fruits brillants ? L'interrogea alors soudainement le petit.

    Dubitatif, Aaron sourcilla devant la requête absurde de ce dernier. Mais bon, au point où il en était il pouvait au moins le faire pour satisfaire son imagination. Tendant les bras le plus haut possible, il dut même se mettre sur la pointe des pieds pour atteindre les branches les plus basses du lustre. Aaron hésita un instant avant de choisir le cristal qui avait l'apparence d'une pomme et le toucha du bout des doigts.

    C'est alors qu'une sensation étrange s'empara de lui, comme un vertige violent qui l'obligea à fermer les yeux. Déséquilibré, il n'arriva même pas à retomber sur ses pieds et chuta sur ses genoux en poussant un râle de douleur. La mauvaise sensation disparue aussi vite qu'elle était apparue. Se relevant en se frottant douloureusement les genoux, Aaron constata qu'il était toujours au même endroit et rien n'avait changé en apparence.

    - Tu vois, rien ne s'est passé. T'es content maintenant ! Tu as fini ton jeu ? On peut rentrer ?

    A nouveau énervé, Aaron fonça droit sur la porte qu'il s'apprêta à ouvrir avec fracas. Seulement, il se retrouva bien surpris lorsque cette dernière refusa de s'ouvrir et le laissa la percuter tête la première.

    - Aïe ! Mais c'est quoi ça ! Pesta notre ami en se frottant la tête pour faire passer la douleur.

    - Je crois que tu as réussi, s'émerveilla Léo qui se rua sur les autres pour tenter de les ouvrir.

    Aaron le regarda faire sans grande espérance mais lorsque le petit appuya sur la poignée de la seconde porte, cette dernière céda à la pression et leur fit découvrir une nouvelle pièce : Un magnifique bureau où tout un tas d'instruments étranges arpentaient les murs. Telle une furie, Léo courut un peu dans tous les sens en lançant ses yeux d'enfants sur chaque chose qui attira son attention. Plus calme face à ce qui se révélait à lui, Aaron pénétra d'un pas lent et la bouche entrouverte dans le bureau. Comment était-ce possible ? Comment un simple lustre pouvait lui permettre d'ouvrir une porte ?

    La première chose que fit notre jeune ami, fut de s'approcher des fenêtres toujours aussi silencieusement. Il avait l'impression que cela faisait une éternité qu'il n'avait pas vu la lumière du soleil et par chance ce dernier inondait l'extérieur à cette heure de la journée. C'est ainsi qu'Aaron put se faire une idée de l'endroit où il avait été emmené. La maison où il se trouvait se situait aux abords d'une forêt dont les arbres étaient d'une hauteur impressionnante. L'espace d'un instant il crut y voir passer quelque chose. Mais non. Sans doute le fruit de son imagination ou les conséquences d'une petite bourrasque de vent faisant danser les branches.

    Les exclamations d'amusement de Léo se faisaient toujours entendre derrière lui mais à cet instant précis, Aaron était comme dans sa bulle. Il découvrait un endroit qui sortait de l'ordinaire. Son parcours le fit passer devant un étrange tableau au fond noir dont le cadre était fait d'or. Il n'en comprit pas trop l'utilité et poursuivit son chemin. Il passa ensuite devant une immense bibliothèque qui contenait de nombreux livres sur la magie ainsi que des bocaux aux contenus douteux. Notre jeune garçon en prit même un dans ses mains mais le reposa bien vite en y voyant à l'intérieur une affreuse araignée aux pattes velues. Son périple le mena devant deux petites épées clouées au mur dont les lames étaient émoussées. Quelque chose y était gravé mais le temps avait pratiquement effacé les écrits... Seules quelques lettres subsistaient.

    C'est ainsi que doucement mais sûrement, le jeune Durtsam arriva jusqu'au bureau. Large meuble faisant presque toute la largeur de la pièce, ce dernier avait l'originalité d'être en forme d'arc de cercle. Dessus s'y trouvait de nombreux documents sans intérêt selon Aaron. Poussé par sa curiosité, ce dernier essaya alors d'ouvrir les tiroirs mais par malchance ils étaient tous fermés à clé. Tous... Non ! Car celui du bas se laissa gentiment tirer pour laisser entrevoir une boîte en métal noir aux symboles étranges gravés dessus. Ce fut alors plus fort que lui : Aaron s'empara soigneusement de la fameuse boîte et la posa sur le bureau en s'installant confortablement sur le fauteuil. Ses mains caressèrent le couvercle un instant pendant qu'il s'imaginait toutes les choses qu'elle pourrait contenir. Puis, vint l'envie incontrôlable de l'ouvrir et c'est ce qu'il s'apprêta à faire.

    - Je ne pense pas que ce soit une idée judicieuse que tu aies là Aaron ! S'exclama une voix forte et impérieuse qui le coupa dans son élan.

    Victime de l'effet de surprise, Aaron sursauta violemment avant d'abandonner son idée d'ouverture de la boîte et de se relever très vite du siège. Devant lui, sur le pas de la porte grande ouverte, se dressait l'homme qui était à l'origine de son arrivée ici, l'homme dont il ne connaissait que le prénom : Elyas ! Malgré une fatigue lisible sur les traits de son visage et sa barbe de trois jours, ce dernier gardait tout son aplomb et impressionnait par sa présence. Il se tenait là, les jambes écartées, les mains posées sur un sceptre qu'Aaron connaissait déjà puisqu'il s'agissait de celui qui l'avait amené dans cet endroit.

    - Vous voyez Edwin ils ne sont pas allés bien loin. Rien ne sert de s'affoler. Ramenez Monsieur Rhys dans sa chambre, j'ai besoin de parler à monsieur Durtsam.

    Cachée derrière la carrure imposante de l'homme, la jeune servante s'empressa de s'immiscer dans le bureau et prit la main du jeune Léo qui se laissa trainer jusqu'à la sortie sans même tenter de se rebeller. Edwin referma la porte derrière elle laissant alors Aaron seul face au dénommé Elyas qui ne semblait pas disposer à rire. Qu'allait-il se passer ? Allait-il enfin avoir les explications qu'il recherchait tant ? Il le saurait très vite...

     

    Suite : "Chapitre 6"