• Chapitre 7 : Un Manque Incontrôlable

     

    « Nous sommes toujours sans nouvelles des deux adolescents disparus il y a maintenant une semaine aux alentours du quartier des Beaux marais. L'enquête policière suit son cours mais l'avenir s'assombrit pour les familles qui voient leurs chances de retrouver leurs enfants s'amenuiser de jour en jour. Kidnapping ou fugue, pas une seule preuve ne peut confirmer ou infirmer l'une de ces hypothèses sur lesquelles travaille la police. Toutefois, l'incendie criminel ayant eut lieu dans la même rue le soir même de leur disparition laisse penser qu'un lien existerait entre les deux affaires. Malheureusement, à ce jour, le seul témoin n'est autre que la propriétaire de la maison, madame Hildebert, toujours plongée dans le coma à l'hôpital Bon Secours. Mais les médecins restent confiants la concernant allant jusqu'à dire « Si les pompiers l'avaient trouvé dix minutes pus tard ça aurait été différent mais là, elle a de bonnes chances de survivre... »

    L'image de la présentatrice du journal disparut soudainement pour ne devenir plus qu'un point de lumière s'estompant rapidement au centre de l'écran noir. Aaron avait décidé d'éteindre la télévision. Le silence fit donc sa réapparition dans le salon laissant notre ami pensif sur le vieux canapé de cuir noir. Télécommande dans une main, il était recroquevillé et enserré ses jambes, le regard perdu dans le lointain. Comme si ses pensées avaient pris le même chemin que l'image de la télévision. Seul le tic tac agaçant de l'horloge perturbait le calme ambiant.

    Cela faisait quelques jours qu'Elyas n'avait pas donné signe de vie. Il n'était repassé qu'une seule fois depuis leur entretien dans son bureau et avait permis à Aaron et Léo d'accéder à la quasi totalité de la demeure. Et au final, cette dernière était bien plus grande que ce que notre jeune ami avait imaginé. Pour faire simple, la maison possédait autant d'étage que le nombre de fruits en Cristal fixés sur le Lustre, à savoir quatre. Généralement, Aaron et son comparse naviguaient entre les étages représentés par la banane et le raisin. Le premier était celui des chambres dont les portes étaient à présent toutes déverrouillées. C'est comme ça qu'ils découvrirent qu'Edwin dormait dans la chambre juste en face de la leur, que la porte à droite donnait dans une salle de bain spacieuse et que la dernière porte préservait l'intimité d'une chambre où personne ne résidait. Le Raisin, quant à lui, leur offrait accès au rez de chaussé où ils passaient le plus clair de leur temps. On y trouvait la porte d'entrée qui restait éternellement condamnée, la cuisine où la gouvernante s'enfermait souvent, un immense salon où Aaron aimait traîné devant la télé et enfin une bibliothèque dont les étagères étaient si hautes qu'elles en donnaient une sensation de vertige.

    Les enfants savaient que la demeure se composait encore de deux étages mais il ne leur était pas permis d'y traîner. Le jeune Durtsam savait que la pomme donnait accès aux appartements et au bureau d'Elyas du fait de sa mésaventure des derniers jours et des explications qu'il avait reçu. Par contre, pour le dernier cristal en forme de cerise et qui était placé bien plus haut dans le lustre, il n'avait aucune idée de ce qu'il dissimulait. Un grenier peut-être ? Mais de toute façon il avait l'interdiction formelle de tenter d'y accéder car soit disant dangereux.

    Bref, ce qui était au départ semblable à une séquestration n'en était plus vraiment une aux yeux d'Aaron qui s'était fait petit à petit à cette vie qui s'était imposée à lui. Il n'était pas rassuré pour autant mais la discussion qu'il avait eut avec Elyas l'avait intrigué à un point qu'il s'imaginait parfois tel l'un de ces héros de série ou de film qu'il aimait tant regarder. Si cette flamme étrange était bien entrée en lui et si ce qu'on lui avait dit était vrai, que devait-il faire à présent ? Qu'allait-il devenir ?

     Voilà pourquoi Aaron semblait si soucieux, assis sur ce canapé. Sans oublier qu'on n'arrêtait pas de parler de sa disparition à la télévision ce qui n'arrangeait rien à son mal être. Il aurait voulu aller voir ses parents, leur dire que tout allait bien, qu'il n'avait pas fugué, qu'il n'était pas mort et surtout qu'ils ne devaient pas s'inquiéter. Mais malheureusement, cloîtré entre les murs de cette prison, il ne pouvait aller nulle part. Et inutile de songer au téléphone car il n'y en avait aucun dans la maison. Non, Aaron devait se résigner à attendre qu'Elyas soit de retour et qu'il lui permette de parler ne serait-ce qu'un instant à ses parents.

     Le calme régnant dans le salon fut interrompu par l'arrivée d'Edwin qui portait une pile d'assiette qu'elle déposa sur la grande table. Son visage radieux s'estompa en voyant celui moins jovial du garçon. Inquiète, elle délaissa son travail et décida de s'approcher d'Aaron pour tenter de chasser ses horribles pensées qui le malmenaient. Elle plongea ses mains dans la poche centrale de son tablier et en sortit un calepin accompagné d'un crayon. C'était le seul moyen qu'elle avait trouvé pour palier à son handicap. Délicatement, elle alla s'asseoir sur le rebord de la table basse pour faire face à lui et l'observa avec un grand sourire durant quelques secondes. Puis, griffonnant quelque chose sur le papier, elle le présenta aux yeux du garçon.

     Dubitatif, Aaron se laissa tenter par ce contact que tentait de mettre en place la gouvernante. Il porta attention à l'écriture agréable de cette dernière et put lire qu'elle voulait savoir ce qui n'allait pas. Haussant les épaules, Aaron rechigna à répondre préférant se conforter dans ce silence qui lui allait si bien. Cependant, Edwin n'était pas du genre à baisser les bras facilement. Elle se remit alors à écrire sur son calepin avec rapidité avant de plaquer de nouveau ce dernier juste devant le nez de l'adolescent. « Cela te dirait de voir un petit tour de magie ? » voilà la question qu'il put lire à nouveau. Seulement, encore une fois, il resta impassible devant les efforts de la jeune femme pour lui changer les idées. Mais cela ne changea rien à la motivation de celle-ci qui courut vers la commode longeant la table du salon et en sortit un étrange papier couleur argenté. Elle revint se poser cette fois-ci juste à côté d'Aaron et se remit à écrire tout en le laissant regarder. Son mot s'adressait cette fois à Léo à qui elle demandait de venir dans le salon pour l'aider à mettre la table. Elle signa la feuille de son nom puis la déposa sur la table basse. Notre jeune ami ne comprenait pas où elle voulait en venir surtout que Léo devait encore être entrain de trainer dans la bibliothèque. En quoi écrire cette lettre était-il un tour de magie ? Et bien il allait vite le découvrir ! Décrochant sa cuillère en bois qu'elle gardait toujours attachée à sa ceinture, Edwin tapota la feuille d'un geste précis. Très rapidement, l'effet escompté fut visible : le bout de papier se mit alors à remuer puis à se transformer en un magnifique petit oiseau qui leur offrit un petit gazouillement avant de s'envoler sous les yeux émerveillés des deux protagonistes. Fini la petite moue qu'affichait Aaron, à présent une certaine excitation était perceptible. Il se redressa pour suivre du regard le nouveau résidant de ces lieux et le vit disparaître derrière la porte menant dans le hall central.

     - Comment tu as fait ? S'exclama-t-il en regardant Edwin. Comment cette feuille a pu se transformer en oiseau simplement en tapant dessus avec ta cuillère ? 

     Amusée, la gouvernante pouffa légèrement tout en allant reprendre son bloc note dans les mains et en écrivant sa réponse dessus. Elle déposa ce dernier sur les genoux d'Aaron au moment même où Léo fit son apparition dans le salon, l'air quelque peu affolé.

     - Edwin ! Y'a... Y'a un oiseau qui est venu se poser dans mes mains et qui s'est transformé en... en ça ! Déclara-t-il en agitant la feuille d'argent en l'air.

     La seule réponse que fit la jeune femme fut de sourire chaleureusement au plus petit des enfants. Elle observa alors Aaron qui venait de découvrir son dernier écrit : Elle lui avait révélé que cette feuille n'était autre qu'un courrier magique permettant d'écrire à n'importe qui en tout temps et en tout lieu. Voyant qu'il avait enfin fait disparaître cette nostalgie de son visage, Edwin lui caressa amicalement sa tignasse avant de se lever et de rejoindre Léo qui ne comprenait toujours pas ce qu'il s'était passé.

     - C'est toi qui m'a envoyé cet oiseau ? C'est toi qui m'a écrit ça ? L'interrogeait-il pour essayer de comprendre.

     Mais pour unique réponse, Edwin lui tendit la main et l'emmena en dehors du salon pour se diriger vers la cuisine. Elle comptait bien s'occuper de lui à présent en le divertissant avec la préparation du plat prévu pour le soir même. Aaron se retrouva ainsi de nouveau seul dans le salon en tentant de comprendre ce qui venait de se passer. C'était tout bonnement génial ! Alors voilà les choses qu'il allait apprendre à connaître ? Il avait toujours rêvé secrètement de devenir comme l'un de ses personnages de fictions. Et voilà que son rêve devenait réalité. Un sourire béat se figea sur son visage, sans doute l'un des premiers depuis qu'il vivait entre ces murs. Il était heureux et ne pouvait contenir plus longtemps sa joie. Ses yeux étincelant de bonheur, il n'avait qu'une seule envie le crier haut et fort.... Mais à qui ? Oui voilà une excellente question qui lui fit perdre tout entrain. Il n'avait plus de contact ni avec sa famille, ni avec ses amis.... pas même son meilleur ami dont il n'avait toujours aucune nouvelle.

     C'est ce dernier mot qui résonna en écho dans l'esprit de notre garçon. « Nouvelle » ! La tentation était si alléchante. Il était seul et on avait beau lui avoir interdit de tenter de contacter sa famille, personne n'en saurait rien. Ses parents avaient le droit de savoir. Ils avaient le droit d'être avisé du fait qu'il allait bien. Et lui se sentirait tellement mieux également. C'était plus une envie de bien faire qu'une envie de transgresser des règles strictes qu'on lui avait imposé sans qu'il ne puisse en donner son avis. C'est dans cet esprit de motivation, qu'Aaron se leva promptement et accouru au niveau de la commode ouverte précédemment par Edwin. Il en subtilisa une autre feuille d'argent qu'il cacha sous ses vêtements avant de refermer le meuble.

     - Je peux t'aider ? Lança une voix nasillarde et assez sévère qui surpris grandement le garçon qui se croyait seul.

     Sursautant sur place, Aaron tira instinctivement son pull pour dire de bien cacher l'objet de son délit. Puisqu'il tournait le dos à cette personne dont il n'avait pas reconnu la voix, il se retourna afin de l'observer. Femme d'une quarantaine d'année environ, son visage pâle était mis en avant par une chevelure rousse flamboyante qu'elle avait coiffé en chignon. Son petit nez fin jouait en parfaite contradiction avec ses deux grands yeux noirs qu'elle dirigeait avec véhémence vers notre ami. Bref, Aaron n'avait absolument pas d'idée sur l'identité de cette dernière mais savait pertinemment que si elle était là c'est qu'elle connaissait Elyas. Il espérait juste une chose : Qu'elle ne l'ait pas vu prendre cette feuille !

     - Qui êtes vous ? La questionna-t-il alors avec une pointe de suspicion dans la voix.

     - En voilà une impolitesse, répondit-elle en gardant une attitude glaciale.

     Sans en dire plus, la mystérieuse inconnue déboutonna l'attache de son châle gris qui reposait sur ses épaules et déposa ce dernier sur la première chaise qui croisa son chemin. Elle en laissa une main délicatement posée et regarda son interlocuteur avec un sourire amusé.

     - Mais soit ! Je veux bien répondre à ta question. Je m'appelle Ginger, Ginger McBrain, membre du conseil magique. Et je suppose que tu es le dénommé Aaron. Ne prends pas cet air surpris, cela fait un moment que nous te cherchons avec Elyas. Et puis tu n'es pas n'importe qui. Ton nom commence à avoir une certaine renommée.

     - Mon nom ? Et pourquoi ? Poursuivit Aaron qui se noyait de nouveau dans un océan totalement inconnu à ses yeux.

     - Tututu ! Le stoppa Ginger d'un bruit sec de la bouche en levant le doigt en l'air comme une professeur le ferait pour faire taire ses élèves. Préserve tes questions pour ce soir lors du repas. Pour l'heure, j'ai quelques affaires à terminer avant le retour d'Elyas.

     - Elyas sera là ce soir ?

     - Hummm, acquiesça-t-elle d'un geste délicat de la tête avant de faire claquer ses talons sur le sol et de quitter le salon.

     Ainsi, il aurait une nouvelle occasion de voir Elyas durant la soirée. Peut-être pourrait-il lui en dire plus sur ce qui l'attendait ? Peut-être le laisserait-il voir ses parents au moins une fois ? Ses parents ! Dans un vif réflexe, la main d'Aaron se posa sur son ventre où un bruit révélateur lui confirma que sa feuille était toujours là. Si ses espoirs devenaient payant, il devait absolument les contacter pour leur dire qu'il ne tarderait pas à venir les voir. Du moins, l'essentiel était de les rassurer et de leur dire que tout aller bien pour lui.

     Il quitta alors le salon, se rendit dans le hall où le lustre l'attendait patiemment. Il en toucha le cristal en forme de banane pour se rendre directement à l'étage des chambres. Ceci fait, il ne perdit pas une seconde pour rejoindre son lit et commença à écrire une lettre qu'il destinait à ses parents grâce à un des crayons de Léo qui traînait sur la table de chevet. Sa rédaction ne dura pas plus de dix minutes. Il savait parfaitement ce qu'il voulait leur dire et avait juste hésité à utiliser certains mots dont il n'était pas sûr de l'orthographe. Il savait que son père serait déjà là à critiquer chacune de ses fautes. Au final, il leur avait raconté que tout allait bien pour lui et qu'il espérait être de retour chez eux dans les prochains jours. Il n'était pas rentré dans les détails et n'avait pas raconté tout ce qu'il avait découvert de ce monde magique caché. De toute manière, ils ne l'auraient pas cru. Voire pire car son père pourrait prendre cela pour une folie justifiant d'être enfermé ou même l'envoyer dans un camps de redressement pour mensonge. Il espérait juste que voir son oiseau se transformer en courrier serait suffisant pour le croire à son retour.

     Le dernier point ajouté sur le papier, notre jeune ami commença à plier ce dernier en quatre avant de le glisser dans la poche arrière de son pantalon. Restait à présent un détail important pour envoyer son petit mot dans le plus grand des secrets : Réussir à subtiliser l'étrange cuillère d'Edwin. C'est avec cette cuillère qu'elle avait réussi à changer la feuille en oiseau et c'est de la même manière qu'Aaron procéderait. Alors comment allait-il faire pour s'emparer de l'objet en bois ? Il n'en avait pour le moment aucune idée.

     La porte de la chambre s'entrouvrit brusquement dans un petit grincement laissant comprendre que les gonds avaient vraiment besoin d'être graissés. Le visage innocent de Léo se laissa entrevoir dans l’entrebâillement et Aaron ne put que remarquer la trace de farine visible sur son front. De toute évidence, le petit moment passé avec Edwin dans la cuisine avait du finir en petit jeu amusant.

     - On mange dans cinq minutes Aaron, indiqua-t-il tout d'abord.

     - Ok ça marche !

     - Et Elyas est là...

     Une soudaine étincelle dans ses yeux laissa comprendre aussitôt que cette seconde information intéressa davantage notre jeune ami. Il sauta en dehors du lit et courut à la poursuite de Léo qui était déjà reparti. La soirée s'annonçait sous de bons présages...

     

    Suite : "Chapitre 8"


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  • Chapitre 5 : Le Sanctuaire des Révélations

     

    Le face à face avait sonné. Toujours placé derrière le bureau, Aaron ne cessait de fixer le responsable de toute cette situation dans laquelle il avait été emmené bien malgré lui. La curiosité existante des dernières minutes n'était plus qu'un lointain souvenir. A la place, une inquiétude grandissante venait de frapper de plein fouet notre jeune ami qui ne savait pas trop comment réagir face à cet individu dont il ne connaissait rien au final. C'est donc avec la gorge serrée et les mains moites qu'Aaron joua à ce jeu du silence. Les yeux aiguisés, le souffle court, sensible aux moindres gestes de l'un ou de l'autre... La scène qui se déroulait au coeur même de cet endroit avait une touche à l'ancienne comme au temps du Far West. Il fallait donc attendre une seule et unique chose : Que le signal se fasse ressentir et que le plus rapide se mette à tirer.

    Seulement, la partie était loin d'être gagnée pour Aaron. D'autant qu'il n'avait que peu de chance de rivaliser face à un homme dont la seule faiblesse perceptible n'était autre que le manque de sommeil lisible sur les traits de son visage. La sensation de malaise s'accentua alors seconde après seconde chez notre ami qui ne savait plus quoi faire. Il perdit toute contenance qui pourtant avait été nourrie jusque là par la colère qui le malmenait depuis son enlèvement. Le mur qu'il s'était construit à l'intérieur venait donc de se fissurer fragilisant toujours plus l'adolescent. Pire ! Son coeur s'emballa de plus bel lorsque, toujours aussi silencieux, Elyas s'avança d'un pas décidé vers lui. Par réflexe, Aaron fit quelque pas en arrière, manquant alors de tomber en se prenant le fauteuil du bureau dans les jambes. Mais il n'en perdit pas pour autant le lien visuel qu'il avait sur l'autre homme. Remarquant qu'il contournait le meuble par la droite, il s'empressa de faire de même mais de l'autre côté. Il avait ainsi l'impression d'être en sûreté, l'impression qu'un simple meuble placé entre deux individus lui offrirait toute la protection nécessaire. Certes il ne s'agissait que d'une rêverie d'enfant. Mais cette rêverie lui suffisait amplement à cet instant précis.

    - Tu veux bien t'asseoir pour que l'on puisse discuter Aaron ?

    La voix d'Elyas venait de briser si brusquement le silence imposé par cette situation qu'elle en fit trembler de surprise le jeune Durtsam. Un spasme incontrôlable qui le poussa à songer un court instant à s'élancer vers la porte pour fuir. Bien sûr, cette solution paraissait comme la plus sage et censée des décisions. Mais quelque chose clochait et perturbait l'esprit déjà si torturé du garçon. C'était indéniable, la peur régnait en maître chez lui. Mais étrangement, une voix intérieure le poussait à rester. Toute cette histoire présentait bien trop de questions sans réponses et de phénomènes inexpliqués. Oui. Non. Peut-être. Je pars. Je reste... la balance entre le bien et le mal joua parfaitement son jeu sur les frêles épaules d'Aaron qui sans s'en rendre compte s'éloigner du bureau, petits pas par petits pas.

    Complètement à l'opposé, Elyas quant à lui semblait bien loin de se soucier des préoccupations du jeune garçon. Depuis son invitation à s'installer, il avait pris place assise sur son siège et avait de suite rangé l'étrange boîte dans son tiroir. D'un calme déroutant, il avait ensuite feuilleté quelques documents avant de croiser tranquillement les bras et d'observer Aaron dans son dilemme du « Je pars ou je reste ».

    - Je sais que tout ce que tu as pu vivre durant ces dernières vingt quatre heures a du être destabilisant et des milliers de question ont du sillonner tes pensées. Mais rassure toi, on ne te veut aucun mal. Au contraire !

    - Aucun mal ? Vous m'avez enlevé ! Vous m'avez enfermé dans cette foutue maison bizarre ! Vous... Vous... Explosa brusquement l'adolescent se sentant obligé de réagir.

    - Je comprends ta colère Aaron mais calme toi il y a des explications à tout cela, tempéra Elyas d'une voix toujours aussi apaisante.

    Malheureusement la machine était lancée et le mur précédemment fissuré venait de s'effondrer chez notre garçon. Il avait besoin d'évacuer toutes les émotions trop longtemps contenues en lui. L'effet « Cocotte Minute » venait de démarrer et allait être difficile à arrêter. Aaron s'emporta alors, le visage rougi par la colère. Et tout en pestant contre son interlocuteur il s'avança vers lui.

    - Me calmer ! Mais... Mais comment je pourrais être calme ! Vous m'envoyez ici et... Et j'ai vu ce monstre... Et ces hommes morts à terre... Et puis Justin... Il était là bas aussi !!! Pourquoi n'est-il pas là ? Pour... pourquoi moi et pas lui ?

    Les vannes venaient d'être ouvertes et la pression était telle qu'un tsunami venait de déferler sur le pauvre Elyas. Après tout, c'était normal. Aaron avait subit tant de chose en si peu de temps que tout garder en lui sans montrer la moindre émotion ni pouvoir se confier à qui que ce soit n'avait pas occasionner que de bonnes choses. La douleur était là et elle devait être expulsée avant que le mal ne le ronge de l'intérieur et ne cause encore plus de conséquences néfastes. Les larmes coulaient à présent sur le visage du garçon quelque peu enflé par l'animosité qu'il ressentait. Ils continuaient de trembler mais cela n'était que la suite logique de son état actuel. Mais malgré tout cela, Elyas semblait impassible à cette boule de nerf qui venait d'exploser devant lui. C'était comme si les éclaboussures laissaient par cet emportement n'avaient fait que glisser sur lui sans même le gêner à outre mesure. Une seule chose avait changé : Son regard était encore plus compatissant qu'à son arrivée.

    - Je comprends...

    - Mais arrêtez de me dire que vous comprenez !!! Explosa aussitôt Aaron sans même laisser le temps à Elyas de poursuivre sa phrase.

    - La colère peut-être une bonne chose mais non maîtrisée elle devient une arme redoutable que l'on peut aisément retourner contre toi. Il va falloir apprendre à canaliser tout ça.

    Cette remarque inattendue eut l'avantage de complètement ébranler Aaron qui ne sut quoi rétorquer. Pourquoi parlait-il de la colère et de sa maîtrise ? Avait-il entendu tout ce qu'il lui avait balancé à la figure ? Aaron en douta une fraction de seconde. Et pourtant, Elyas avait bien en tête tout ce qui torturait le pauvre enfant. Mais, son talent d'orateur lui avait fait prendre une voie plus délicate permettant de contourner le taureau qui fonçait tête baissée sur lui sans prendre le temps de l'écouter. Et cela fonctionnait puisque Aaron resta muet face à sa dernière remarque. Elyas tendit alors le bras vers le siège qui faisait face au bureau et prit la décision de poursuivre sa tentative de discussion.

    - Bien ! Est-ce que tu peux maintenant t'asseoir juste un instant afin que je réponde à toutes tes questions et ce dans une atmosphère un peu plus posée ?

    Au regard d'Aaron, il était évident que les choses ne seraient pas aussi simple à apaiser. Toutefois, bien que serrant les dents, notre jeune ami se décida à suivre les recommandations de l'homme et ne tarda pas longtemps à s'asseoir sur le fameux siège. A présent, qu'ils étaient tous les deux parfaitement installer, l'heure des explications avait sonné.

    - Pour commencer, il faut que tu saches que je ne suis en aucun cas lié à ce monstre et à ces hommes que tu as pu voir dans cette maison la nuit dernière. Je suis venu là uniquement pour toi et toi seul ! Voilà pourquoi ton ami n'est pas avec nous.

    - Mais vous...

    - Je t'ai laissé parler donc laisse moi faire de même s'il te plait !

    La veine tentative d'intervention d'Aaron fut un échec cuisant lui montrant pour la première fois le fort caractère que dissimulait Elyas derrière son air d'homme compatissant. Quelque peu vexé, il croisa ses bras contre son ventre et s'enfonça un peu plus dans son fauteuil pour poursuivre son écoute du discours de son aîné.

    - Je disais donc que je suis venu pour toi Aaron car tu n'es pas n'importe qui et tu es loin d'être un garçon comme tous les autres. Je n'avais pas l'intention de t'envoyer ici sans prendre le temps de tout t'expliquer mais malheureusement les évènements ont évolué d'une manière inattendue. D'une manière à laquelle je ne m'étais pas préparé à vrai dire. C'est pour te mettre en sûreté que j'ai choisi de t'enfermer ici. Et non pour te faire du mal. Je m'excuse de n'avoir pas pu te l'expliquer avant aujourd'hui mais comme tu as pu le voir, j'ai du faire face à quelques ennuis.

    - Mais... mais qu'est-ce que vous me racontez ? Je... je... Vous dites n'importe quoi ! Je suis comme les autres ! Vous vous trompez. Je... Je comprends rien de tout ce que vous me dites. Bégaya Aaron fragilisé par ces explications qui le perdaient plus qu'ils ne le rassuraient.

    - N'as-tu jamais eu la sensation que ta vie n'était pas comme celle des autres ? N'as-tu jamais été témoin d'une chose qui n'avait aucune explication ?

    - Je... euh... Si mais...

    - Tu es bien différent Aaron et je vais te le prouver !

    Cette phrase resta en suspend le temps qu'Elyas attrape de nouveau le sceptre qui avait causé déjà tant de choses dans la vie de notre pauvre ami. Peu rassuré par les propos de l'homme, Aaron vit d'un mauvais oeil l'arrivée du morceau de bois dans la discussion et eut une soudaine envie de s'éclipser. Mais il n'eut pas le temps de réagir que déjà Elyas ferma les yeux et sembla se concentrer en enserrant fermement des deux mains l'objet de l'inquiétude. Aussitôt une nappe de brouillard mystérieuse se forma au dessus du bureau laissant sans voix le jeune garçon qui se décomposait à vue d'oeil. Mais qu'est-ce qui lui arrivait encore ? La peur semblait à nouveau vouloir le malmener mais lorsque des images se dessinèrent dans ce nuage de fumée, ce fut la curiosité qui remporta la partie. Aaron s'y vit alors un bref instant entrain de jouer avec sa soeur puis l'image s'évapora pour laisser place à une autre époque de sa vie. Une époque bien plus vieille puisqu'il se reconnut, lui, tout petit, nourrisson, posé avec amour par sa mère dans son berceau au beau milieu de sa chambre. Un moment attendrissant qui fut alors brusquement interrompu par une étrange lueur bleue qui s'immisça dans le corps du nouveau né. Sa mère accourut aussitôt vers son enfant mais elle n'en vit rien d'inquiétant, juste des pleurs. Ces derniers se calmèrent rapidement, l'enfant s'endormit et la lueur ne fut qu'un lointain souvenir qui se perdit dans l'océan de l'oubli.

    La volute de fumée s'évapora quelques secondes après ces dernières images et Aaron resta là, la bouche ouverte, la main instinctivement posée sur son torse, à l'endroit même où cette lumière bleue s'était immiscée en lui. Il ne comprenait pas. Que s'était-il passé ? Que lui était-il arrivé quand il était petit ? Complètement paniqué mais ayant besoin de comprendre ce qui était entrain de se passer, il ne prit réprimer son envie de poser une question.

    - Qu'est-ce que c'était ?

    - Une vision de ton passé. Une vision reflétant ta destinée.

    - Ma destinée... Mais c'était quoi cette chose qui est entrée en moi.

    - C'est ce qu'on appelle une Flamme de l'Espoir. Ces flammes sont assez rares dans notre monde. Lorsqu'elles apparaissent, elles sont aussitôt  à la recherche de celui ou celle dont le destin sort de l'ordinaire. Tu as été choisi à ta naissance Aaron et il est temps aujourd'hui de prendre en main ton destin

    - Mais qu'est-ce que vous me racontez ! C'est pas possible ! Ça n'existe pas ces choses là à part dans les livres et les films.

    - Où crois-tu que ces choses ont puisé leur inspiration ? L'homme a bien des qualités mais ne le surestime pas. Son imagination ne peut se développer que par la prise de connaissance d'un fait réel à la base.

    - Vous... Vous êtes entrain de me dire que tout ce qu'on voit à la télévision existe ?

    - Tout, Non ! Car depuis toujours l'Homme aime exagérer dans les faits qu'il relate.

    - Je... Je n'arrive pas à y croire. C'est impossible.

    - Je n'en doute pas et pourtant il va te falloir me faire confiance Aaron car comme tu as pu le voir je n'étais pas le seul à être à ta recherche.

    - Vous voulez parler de ces hommes que j'ai vu chez Madame Hildebert ? Ils étaient là aussi pour moi ?

    - Oui. Il s'agissait d'un groupe d'Elfes noirs et il n'aurait pas été bon pour toi de tomber entre leurs mains. Mais là n'est pas l'objet de notre conversation. Tout ce qu'il te faut savoir c'est que tu peux devenir bien plus que ce simple garçon de quatorze ans qui traine dans les rues de son village en rêvant de vivre dans un autre monde. Tu es destiné à accomplir de grandes choses Aaron mais c'est à toi de décider si oui ou non tu souhaites emprunter ce chemin qui s'offre à toi.

    Un long silence s'imposa alors entre les deux individus. Si jusqu'à maintenant le mystère planait sur toute cette histoire, cette longue conversation venait d'offrir à Aaron tout un tas de nouvelles informations difficile à avaler. C'était comme si le monde qu'il s'était inventé depuis ces nombreuses années se révélait être réel. Très déroutant il fallait l'avouer. Recroquevillé sur son siège, décontenancé, le jeune Durtsam tenta donc de se calmer pour analyser la situation dans laquelle il s'était aventuré. Elyas sembla tout à fait comprendre ce besoin de réflexion et resta alors muet et respectueux.

    Malheureusement, les choses n'étaient pas destinées à se poursuivre ainsi. Ouvrant la porte avec fracas, Edwin accourut dans le bureau sous les regards surpris de nos deux protagonistes. La respiration haletante, les cheveux quelque peu décoiffés par la course effrénée qu'elle devait avoir parcourue pour arriver jusqu'ici, la pauvre n'était pas dans son assiette. Dans ses mains, un morceau de feuille de couleur mauve virevoltait au rythme de ses mouvements de panique. L'inquiétude était évidente dans les yeux d'Elyas et lorsqu'il parcourut rapidement le message que la bonne lui confia, Aaron sut aussitôt que l'urgence était de mise. Pourquoi ? Malheureusement il n'en savait rien et n'eut pas la chance de le savoir. Se relevant prestement, Elyas empoigna son bâton avant de reporter son attention sur le garçon.

    - Aaron je dois te laisser car une affaire importante m'attend. Mais promet moi de réfléchir à ce que je viens de te dire. Car sans l'accord de son hôte, une flamme se meurt.

    - Je...

    Mais malheureusement, notre pauvre garçon ne put répondre aux directives d'Elyas qui prenait déjà le chemin de la sortie.

    - Edwin ! Ramenez Aaron dans sa chambre. Et si il a besoin de se dégourdir les jambes, laissez le faire. Je pense qu'il en sait assez à présent pour prendre les bonnes décisions.

    Il ponctua sa dernière phrase par un petit clin d'oeil amical envers le jeune Durtsam puis s'empressa de quitter la pièce pour une destination inconnue aux yeux de ce dernier. Ayant reprit une attitude plus sereine et bienveillante, Edwin se recoiffa les cheveux d'un geste délicat de la main et  alla rejoindre Aaron en lui affichant un large sourire. Ce dernier savait qu'il n'avait plus rien à faire ici et que de toute façon il avait besoin de réfléchir avant de prendre une quelconque décision sur cet avenir qu'on lui prétendait nécessaire. Il ne rechigna donc pas à suivre la gouvernante et ils quittèrent tous deux ce bureau qui était devenu sans le vouloir le sanctuaire des révélations.

     

    Suite : "Chapitre 7"


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  • Chapitre 5 : De découverte en découverte

     

    Le temps semblait interminable dans cette prison faite de bois et au plus grand drame d'Aaron il n'y avait aucun moyen de savoir quelle heure il était précisément. Pas d'horloge, pas de réveil, pas de montre, pas de portable... Rien ! Tout ce dont il était persuadé c'est qu'il avait énormément dormi et que son estomac commença à râler bruyamment pour lui faire comprendre qu'une rébellion se préparait et que s'il ne mangeait pas très vite il en serait la pauvre victime. En même temps, il n'avait rien avalé depuis la veille au midi à cause de tout ce qui lui était arrivé. Posant une main sur son ventre qui ronronna une énième fois, Aaron essaya de camoufler sa faim du mieux qu'il le pouvait tandis que Léo leva les yeux vers lui en les fronçant comme pour le sermonner car il le déconcentrait. Ce dernier se repositionna ensuite à quatre pattes, arma sa bille au niveau de son pouce. Puis d'un geste vif, il lança le projectile sur l'espace de jeu qui avait été préalablement déterminé et en fit sortir la dernière petite bille qui trainait par là.

    - J'ai encore gagné ! S'écria-t-il victorieux, le visage illuminé par la joie.

    Se relevant aussitôt, le jeune garçon se mit alors à opérer une étrange danse en tournoyant sur lui-même. Ceci amusa plus qu'autre chose Aaron qui l'observait avec le sourire aux lèvres. Sa chorégraphie de la victoire terminée, Léo alla récupérer toutes ses billes pour les remettre dans un sac qui commençait à faire la tête qu vu de son état lamentable. On pouvait même se demander comment les billes n'avaient pas encore trouvé le moyen de s'échapper par les petits trous qui commençaient à se former.

    - Bon c'était facile, t'as pas fait beaucoup d'efforts pour te battre, commenta-t-il soudainement en ramassant la dernière grosse bille.

    - Mais...

    Alors qu'il comptait rétorquer à cette remarque, Aaron fut interrompu par l'ouverture soudaine de la porte qui grinça derrière lui. Son coeur s'emballant aussitôt, il tourna la tête et vit apparaître devant lui une jeune femme qu'il n'avait encore jamais vu jusque là mais qu'il sut être la fameuse Edwin en voyant le plateau qu'elle tenait entre ses mains. D'une chevelure au roux ensorcelant, la demoiselle débordait de charme. Le visage souriant, le teint clair, les yeux d'un bleu captivant faisaient des atouts convaincants chez cette dernière. Vêtue d'une robe d'un bleu pastel mêlé d'un blanc pur, le tout parsemé de diverses décorations aux couleurs vives... On ne pouvait s'y tromper : Edwin était quelqu'un de jovial ! Et du haut de ses quatorze ans, Aaron n'était pas indifférent à ses charmes.

    Il mit donc un peu de temps à se relever et à se diriger vers la nouvelle arrivante. Il était pourtant parti pour râler comme il savait le faire et pour obtenir le fin mot de l'histoire mais non... Il n'en fit rien, l'esprit adouci par l'aura angélique de la jeune femme. Ceci permit à celle-ci d'apporter le plateau sur la table ronde et d'y déposer les couverts nécessaires pour deux personnes. Sans doute habitué, Léo ne tarda pas à aller s'installer sur sa chaise et à empoigner un morceau de pain qu'il commença à grignoter. Pour Aaron, même si la faim continuait à le tourmenter et encore plus depuis qu'il savait la nourriture à proximité, l'impératif n'était pas son assiette mais d'en découvrir un peu plus sur les raisons de sa captivité.

    - Vous pouvez me dire ce que je fais là ? Pourquoi m'avoir emmené ici loin de ma famille ?

    Edwin pivota alors la tête vers lui en affichant un sourire navré. Elle haussa les épaules et sembla chercher soudainement quelque chose autour d'elle. En réalité, elle se sentait mal à l'aise et fuyait le regard du gamin. Du coup, malheureusement, aucune réponse ne sortit de sa bouche comme si le sujet était quelque chose de tabou. L'énervement commença à gagner Aaron qui perdait patience face à des personnes qui ne savaient pas lui expliquer ce qui lui arrivait. Ses joues passant à une couleur rosée, il était sur le point de pester de rage contre la femme mais la voix de Léo l'interrompit dans son élan.

    - Edwin est muette. Elle ne pourra pas te répondre.

    Surpris, la bouche ouverte, Aaron jeta un oeil sur Edwin qui le lui confirma en hochant la tête toute penaude. Une vague de déception déferla sur notre ami qui laissa tomber tête et épaules puis prit place assise sur sa propre chaise. L'espoir qu'il avait tant nourri durant cette matinée venait d'être balayé avec une cruelle facilité. La jeune femme se mordit alors les lèvres montrant qu'elle s'en voulait de ne pouvoir l'aider. Edwin était quelqu'un de compatissant et d'une gentillesse démesurée avec les enfants. C'est ce qui faisait qu'ils l'appréciaient.

    - On pourrait avoir des spaghettis avec des boulettes de viande comme la dernière fois Edwin ? Demanda alors Léo avec envie.

    La demoiselle retrouva le sourire et hocha une nouvelle fois la tête pour accepter la demande du plus petit des deux garçons. Elle s'empara d'une étrange cuillère de bois et l'agitant quelques secondes au dessus de la casserole, elle tapota le couvercle une fois et brusquement de la fumée s'échappa de l'intérieur. Ravie, Edwin rangea sa cuillère au niveau de sa ceinture puis souleva le couvercle pour laisser entrevoir le plat tant souhaité par l'enfant. Boudant jusque là, Aaron ne put faire autrement que de prêter attention à ce qui venait de se produire. Coup de chance ou tour de passe-passe ? Là était la question.

    - Comment... Comment as-tu su qu'on allait manger ça ? Lança-t-il suspicieux en direction de Léo

    - Bah je viens de le demander ! T'es sourd ou quoi ? Répondit-il avec dédain avant de se jeter sur l'assiette que lui servit Edwin.

    La main délicate de cette dernière s'empara alors de l'assiette d'Aaron qui l'observa complètement intrigué. Mais qu'est-ce que tout cela signifiait ? Est-ce qu'il était entrain de rêvé ? Le plat fut servi mais malgré ça, Edwin vit bien que le nouvel habitant des lieux n'était pas rassuré. Elle lui sourit une dernière fois en quittant avec regret la pièce sous le regard inquiet du jeune Durtsam. Le claquement de la porte une fois retentit, c'est un tout autre Aaron qui sortit très vite de table. Un Aaron beaucoup plus curieux et déterminé. Il se rua avec rapidité à la poursuite de la jeune femme dans l'espoir de pouvoir fuir au contraire de son échec de la veille. Seulement, il fut stupéfait de retrouver le hall vide et les autres portes éternellement clauses. Bien sûr, il tenta une nouvelle fois de les ouvrir mais le succès ne fut pas au rendez vous. Triste et songeur, il revint alors s'asseoir devant son assiette pendant que Léo, lui, léchait la sienne pour se régaler des dernières traces de son repas. L'esprit perdu dans ses pensées, Aaron commença à picorer vaguement dans son plat de pâtes. Il n'arrivait pas à comprendre comment Edwin avait pu disparaître aussi soudainement. Il aurait dû au moins voir une porte se refermer ou une poignée remuer. Mais là rien... Pas un seul signe de vie !

    - Tu n'as pas faim ? Demanda soudainement la voix de Léo qui l'extirpa de ses pensées

    - Si si... C'est juste que... Enfin bon je me demandais où était passée Edwin ?

    - Et bien dans les cuisines je suppose !

    - Je ne sais pas si tu as remarqué, mais toutes les portes sont fermées par là.

    - Et alors ? Tu n'as pas besoin de clé pour les ouvrir ! La dernière fois, Elyas a touché le lustre.

    Dans un bruit agressif, la fourchette d'Aaron quitta sa main droite pour retomber lourdement sur son assiette. Lui qui s'acharnait depuis la veille pour trouver le moyen de sortir de cette prison avait eu la solution à ses problèmes juste à côté de lui durant tout ce temps. Prenant une voix emplit de reproches, il lança contre le plus jeune :

    - Le Lustre ? Et tu pouvais pas me le dire plus tôt ???

    - Tu ne me l'as pas demandé, expliqua Léo légèrement désolé.

    - C'est pas grave. Et tu crois qu'il cache une clé là haut ?

    - Mais non !

    - Alors quoi ? Y'a un bouton caché qui ouvre les portes ?

    - J'en sais rien. Elyas a juste touché le lustre et ça nous a amené dans un grand couloir qui menait aux cuisines. Enfin c'est ce qu'il m'a dit car on est entré dans une autre pièce où l'attendait d'autres personnes.

    Perdant patience devant les explications sans queue ni tête du gamin, Aaron repoussa son assiette et s'empressa de regagner le hall. Toutefois, cette fois-ci, il fut suivi par son acolyte qui était intrigué par l'agitation de son aîné. La porte se referma derrière eux et il observa silencieux le lustre en cristal à la recherche de la moindre trace d'un bouton ou d'une clé. Seulement il ne vit rien et une nouvelle fois il fut envahi de déception. Le regard noir, il dévisagea Léo qui lui restait dans l'attente. Encore une invention issue tout droit de l'esprit imaginaire des enfants ! Pourtant il était habitué avec sa soeur, il aurait dû s'y attendre.

    - Bah alors ? Pourquoi tu ne touches pas les petits fruits brillants ? L'interrogea alors soudainement le petit.

    Dubitatif, Aaron sourcilla devant la requête absurde de ce dernier. Mais bon, au point où il en était il pouvait au moins le faire pour satisfaire son imagination. Tendant les bras le plus haut possible, il dut même se mettre sur la pointe des pieds pour atteindre les branches les plus basses du lustre. Aaron hésita un instant avant de choisir le cristal qui avait l'apparence d'une pomme et le toucha du bout des doigts.

    C'est alors qu'une sensation étrange s'empara de lui, comme un vertige violent qui l'obligea à fermer les yeux. Déséquilibré, il n'arriva même pas à retomber sur ses pieds et chuta sur ses genoux en poussant un râle de douleur. La mauvaise sensation disparue aussi vite qu'elle était apparue. Se relevant en se frottant douloureusement les genoux, Aaron constata qu'il était toujours au même endroit et rien n'avait changé en apparence.

    - Tu vois, rien ne s'est passé. T'es content maintenant ! Tu as fini ton jeu ? On peut rentrer ?

    A nouveau énervé, Aaron fonça droit sur la porte qu'il s'apprêta à ouvrir avec fracas. Seulement, il se retrouva bien surpris lorsque cette dernière refusa de s'ouvrir et le laissa la percuter tête la première.

    - Aïe ! Mais c'est quoi ça ! Pesta notre ami en se frottant la tête pour faire passer la douleur.

    - Je crois que tu as réussi, s'émerveilla Léo qui se rua sur les autres pour tenter de les ouvrir.

    Aaron le regarda faire sans grande espérance mais lorsque le petit appuya sur la poignée de la seconde porte, cette dernière céda à la pression et leur fit découvrir une nouvelle pièce : Un magnifique bureau où tout un tas d'instruments étranges arpentaient les murs. Telle une furie, Léo courut un peu dans tous les sens en lançant ses yeux d'enfants sur chaque chose qui attira son attention. Plus calme face à ce qui se révélait à lui, Aaron pénétra d'un pas lent et la bouche entrouverte dans le bureau. Comment était-ce possible ? Comment un simple lustre pouvait lui permettre d'ouvrir une porte ?

    La première chose que fit notre jeune ami, fut de s'approcher des fenêtres toujours aussi silencieusement. Il avait l'impression que cela faisait une éternité qu'il n'avait pas vu la lumière du soleil et par chance ce dernier inondait l'extérieur à cette heure de la journée. C'est ainsi qu'Aaron put se faire une idée de l'endroit où il avait été emmené. La maison où il se trouvait se situait aux abords d'une forêt dont les arbres étaient d'une hauteur impressionnante. L'espace d'un instant il crut y voir passer quelque chose. Mais non. Sans doute le fruit de son imagination ou les conséquences d'une petite bourrasque de vent faisant danser les branches.

    Les exclamations d'amusement de Léo se faisaient toujours entendre derrière lui mais à cet instant précis, Aaron était comme dans sa bulle. Il découvrait un endroit qui sortait de l'ordinaire. Son parcours le fit passer devant un étrange tableau au fond noir dont le cadre était fait d'or. Il n'en comprit pas trop l'utilité et poursuivit son chemin. Il passa ensuite devant une immense bibliothèque qui contenait de nombreux livres sur la magie ainsi que des bocaux aux contenus douteux. Notre jeune garçon en prit même un dans ses mains mais le reposa bien vite en y voyant à l'intérieur une affreuse araignée aux pattes velues. Son périple le mena devant deux petites épées clouées au mur dont les lames étaient émoussées. Quelque chose y était gravé mais le temps avait pratiquement effacé les écrits... Seules quelques lettres subsistaient.

    C'est ainsi que doucement mais sûrement, le jeune Durtsam arriva jusqu'au bureau. Large meuble faisant presque toute la largeur de la pièce, ce dernier avait l'originalité d'être en forme d'arc de cercle. Dessus s'y trouvait de nombreux documents sans intérêt selon Aaron. Poussé par sa curiosité, ce dernier essaya alors d'ouvrir les tiroirs mais par malchance ils étaient tous fermés à clé. Tous... Non ! Car celui du bas se laissa gentiment tirer pour laisser entrevoir une boîte en métal noir aux symboles étranges gravés dessus. Ce fut alors plus fort que lui : Aaron s'empara soigneusement de la fameuse boîte et la posa sur le bureau en s'installant confortablement sur le fauteuil. Ses mains caressèrent le couvercle un instant pendant qu'il s'imaginait toutes les choses qu'elle pourrait contenir. Puis, vint l'envie incontrôlable de l'ouvrir et c'est ce qu'il s'apprêta à faire.

    - Je ne pense pas que ce soit une idée judicieuse que tu aies là Aaron ! S'exclama une voix forte et impérieuse qui le coupa dans son élan.

    Victime de l'effet de surprise, Aaron sursauta violemment avant d'abandonner son idée d'ouverture de la boîte et de se relever très vite du siège. Devant lui, sur le pas de la porte grande ouverte, se dressait l'homme qui était à l'origine de son arrivée ici, l'homme dont il ne connaissait que le prénom : Elyas ! Malgré une fatigue lisible sur les traits de son visage et sa barbe de trois jours, ce dernier gardait tout son aplomb et impressionnait par sa présence. Il se tenait là, les jambes écartées, les mains posées sur un sceptre qu'Aaron connaissait déjà puisqu'il s'agissait de celui qui l'avait amené dans cet endroit.

    - Vous voyez Edwin ils ne sont pas allés bien loin. Rien ne sert de s'affoler. Ramenez Monsieur Rhys dans sa chambre, j'ai besoin de parler à monsieur Durtsam.

    Cachée derrière la carrure imposante de l'homme, la jeune servante s'empressa de s'immiscer dans le bureau et prit la main du jeune Léo qui se laissa trainer jusqu'à la sortie sans même tenter de se rebeller. Edwin referma la porte derrière elle laissant alors Aaron seul face au dénommé Elyas qui ne semblait pas disposer à rire. Qu'allait-il se passer ? Allait-il enfin avoir les explications qu'il recherchait tant ? Il le saurait très vite...

     

    Suite : "Chapitre 6"


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  • Chapitre 4 : Le Refuge d'Elyas

     

    L'obscurité régnait en maître offrant toute liberté aux pensées du jeune homme qui ne se gênaient pas pour le martyriser. Le pauvre faisait face à un océan de questions et peu importait la technique pour laquelle il optait, cela ne l'aidait pas à nager vers une quelconque réponse plausible. Mais que lui était-il arrivé ? Tout ceci était-il le fruit d'un rêve si proche de la réalité que ça en devenait effrayant ? Si tel était le cas, Aaron se promit de ne plus jamais passer des heures à jouer à tous ces jeux vidéos dont sa mère avait une sainte horreur. Il s'était toujours moqué des mises en garde qu'on ne cessait de rabâcher sur un excès de jeu mais pour la première fois il commençait à croire que cela n'était pas que de simples mots.

    Soudain son corps, qui jusque là semblait flotter, se posa plus ou moins lourdement sur un sol ferme. La sensation de trouble intérieur s'estompa puis la lumière se refit doucement autour de lui. Ouvrant progressivement les yeux, se fut comme si notre ami se réveillait après une très longue nuit et que le soleil brillait déjà de toutes ses forces. Il cligna alors des yeux et tenta de repérer où il avait atterri. Devant lui se dévoilait une vaste pièce dont les murs et le plafond étaient entièrement faits de bois. Un feu était allumé dans une vieille cheminée présente dans l'un des coins de la pièce et crépitait mélodieusement. Cette source de lumière apportait alors une chaleur réconfortante qui correspondait plutôt bien à la décoration style cocooning qui ornait tout l'endroit. Deux lits étaient également visibles et s'alignaient parfaitement l'un derrière l'autre jusqu'à la porte de ce qui de toute évidence correspondait à une chambre.

    - Que fais-tu avec le bâton d'Elyas ?

    Cette voix légère à laquelle Aaron ne s'attendait vraiment pas le surpris à tel point qu'il amorça une échappée vers la porte au cas où il serait encore la proie d'un monstre. Mais le tour de magie dont il venait d'être la victime l'avait encore un peu trop affaibli et ses jambes ne répondirent pas à sa demande. Du coup, le pauvre garçon se fit un croche pied tout seul et s'écrasa de tout son long sur le sol de la chambre. Le bâton qu'il tenait toujours jusque là fut alors abandonné à son triste sort et, après avoir imité la chute d'Aaron, il roula un instant jusqu'à se cogner contre le pied du premier lit.

    Des bruits sourds et rapides se firent alors entendre de derrière notre ami. L'autre individu présent était sans doute en train de courir. Mais étrangement, les bruits de pas ne s'approchèrent pas vraiment de lui. Au départ, Aaron l'avait cru puis cela s'était éloigné jusqu'à s'estomper complètement. S'interrogeant sur le pourquoi de ce silence devenant inquiétant mais ne souhaitant pas attendre non plus qu'on le tue, le jeune Durtsam posa les mains sur le sol et poussa de toutes ses forces pour lui permettre de se relever. Sans plus tarder, il poursuivit sa course vers la porte qu'il entrouvrit sans mal et reclaqua cette dernière derrière lui. A présent, il faisait face à un ridicule petit hall carré qui ne devait pas faire plus de trois mètres sur trois. D'autres portes étaient accessibles au centre de chacun des murs de la pièce et au beau milieu du plafond était accroché un lustre magnifique composé de branche en or dont les fruits étaient représentés par de petits cristaux transparents.

    Aaron resta là un petit moment, dos à la porte qu'il venait de fermer. Mais où avait-il atterri bon sang ? Et comment tout cela était-il possible d'ailleurs ? Il était perdu et n'espérait qu'une chose à cet instant se réveiller et oublier rapidement son cauchemar. Mais pour l'heure, il devait songer au plus pressé, à savoir sortir de là. D'un pas décidé, il s'empressa d'aller ouvrir la porte en face de lui mais cette dernière était fermée à clé. Il tenta sa chance avec celle de droite mais n'eut pas plus de succès. Et ce fut la même chose avec la dernière des portes qui resta impassible devant son acharnement pour l'ouvrir. Le visage inquiet de l'enfant se reporta alors sur la porte par laquelle il était arrivé. Elle restait l'unique endroit où il était autorisé à aller. Mais qui y'avait-il à l'intérieur ? D'ailleurs qu'était devenu l'individu qui lui avait parlé ? Plus aucun bruit ne se faisait entendre de l'autre côté.

    Poussé par sa curiosité mais aussi parce qu'il n'avait pas vraiment d'autres choix, Aaron décida de repartir là où il était apparu. La porte s'ouvrit lentement cette fois-ci. La main fébrile de notre ami restait crispée sur la poignée tandis qu'il tenta de passer la tête dans l'entrebaillement pour observer les environs. C'est là que son regard se posa sur la personne qui lui avait certainement parlé : un enfant bien plus jeune que lui, qui s'était recroquevillé dans un coin de la pièce en serrant le plus fort possible une peluche d'un blanc neige ressemblant à un lapin. A cet instant, personne n'aurait pu dire lequel des deux gamins était le plus effrayé mais ce qui était sûr c'est que cela aida Aaron à pénétrer de nouveau dans la pièce sans avoir l'impression que quelqu'un souhaitait le tuer.

    Précautionneusement, le jeune Durtsam se glissa jusqu'au lit qui faisait face à l'autre enfant qui ne le quitta d'ailleurs pas une seule seconde des yeux. La peur était facilement perceptible dans son regard bien que d'apparence, Aaron n'était pas quelqu'un de monstrueux. Il alla même jusqu'à s'emmitoufler un peu plus derrière ses jambes, ne laissant plus que la tête de sa peluche dépasser.

    - Désolé. J'ai du te faire peur... Annonça Aaron d'un ton hésitant.

    Seulement, l'autre enfant resta muet et figé comme une pierre. La confiance n'était pas au rendez-vous mais il n'allait pas baisser les bras pour autant. De toute façon, ce dernier était le seul être vivant présent dans leur prison de bois.

    - Je m'appelle Aaron. Tu sais où on est ?

    Malheureusement, le petit ne bougea pas d'un cil, gardant ses yeux grands ouverts comme si le moindre clignement pouvait engendrer de graves conséquences. Soufflant en voyant que tout ceci était peine perdue, la tête d'Aaron bascula vers le sol affichant ainsi son grand désespoir. Mais qu'avait-il fait pour mériter tout ça ? Les souvenirs des dernières heures lui remontèrent à la surface et sa gorge se noua en repensant à son ami qu'il n'avait pas pu secourir.

    - Moi c'est Léo... Léo Rhys !

    La voix légère de l'enfant s'était faite brusquement entendre alors qu'Aaron venait de s'avouer vaincu. Il reporta ainsi toute son attention sur le petit brun qui ne devait d'ailleurs pas mesurer plus de un mètre trente. Léo avait abandonné sa position de fœtus qui lui donnait sans doute l'impression d'être protégé. A présent, il était assis en tailleur mais tenait toujours aussi fermement le pauvre lapin blanc qui aurait suffoqué s'il avait été vivant. De ses yeux oscillant entre le bleu et le vert, il continuait de détailler Aaron mais cette fois-ci on pouvait y lire une certaine curiosité.

    - Toi aussi tes parents t'ont abandonné ? Demanda alors ce dernier, soucieux d'en apprendre plus sur le nouvel arrivant

    - Euh non. Je... Je ne sais même pas comment je suis arrivé là ni où je suis d'ailleurs. C'est quoi cet endroit ?

    - C'est le refuge d'Elyas, rétorqua-t-il en haussant les épaules pour faire comprendre qu'il trouvait cette question idiote.

    - Et c'est qui Elyas ?

    - Pourquoi tu me demandes ça ? Tu es bien arrivé avec son bâton là bas donc tu le connais, déclara-t-il en pointant du doigt le bâton qui n'avait pas bougé depuis sa chute.

    Voilà alors comment se nommait cet étrange individu qui avait porté secours à Aaron dans le chemin tortueux de son quartier. Elyas... Mais qui était-il ? Cela restait un mystère aux yeux de notre ami dont les pièces du puzzle étaient encore bien loin d'être rassemblées.

    - Tu t'es fait quoi là ? L'interrogea alors le gamin de neuf ans qui s'était soudainement approché de lui et pointait son doigt au niveau de sa bouche.

    Tâtonnant cette dernière du bout des doigts, Aaron sentit un liquide quelque peu visqueux entourer sa lèvre du bas qui de toute évidence était enflée. Il apporta alors ses doigts devant ses yeux et comprit qu'il s'agissait d'un peu de sang, reste de sa mésaventure.

    - Oh ce n'est rien. Je me suis juste cogné.

    Songeant à aller s'essuyer, Léo l'avait devancé car il lui tendait déjà un mouchoir. Le remerciant d'un sourire, Aaron l'empoigna et commença à se frotter en serrant les dents car la douleur était encore présente. Mais cela ne  l'arrêta pas dans ses réflexions qui le torturaient depuis un moment. Il avait besoin de savoir, besoin de comprendre. Et même si son interlocuteur lui semblait bien jeune pour lui apporter toutes les réponses à ses questions, la moindre information était la bienvenue.

    - Tu sais où on est précisément ?

    - Non ! Ils m'ont juste dit que j'allais devoir attendre un peu ici avant que l'on parte vraiment. Par moment, il y a Edwin qui vient pour me donner à manger mais elle ne parle jamais et ne reste jamais longtemps.

    - Qui ça ils ?

    - Et bien Elyas et les personnes qui l'accompagnent par moment.

    - Pourquoi nous ont-ils amenés ici ?

    - Je ne sais pas. Je ne les ai pas vu beaucoup.

    - Et où veulent-ils qu'on parte ?

    - Mais j'en sais rien moi ! Rouspéta Léo agacé par toutes ses questions. Moi tout ce que je sais c'est que mes parents ont disparu et que je me suis retrouvé tout seul chez moi pendant plusieurs jours. Elyas est venu me chercher... S'emporta-t-il les larmes se déversant sur ses petites joues roses.

    Un chagrin difficilement contrôlable s'empara alors du plus jeune des deux garçons et il courut dans son lit où il se recroquevilla en serrant très fort sa peluche. Aaron sentit le remord monter en lui. C'est vrai qu'avec toutes ses questions et son ton un peu sévère, il y avait été un peu fort avec ce pauvre petit qui n'avait même pas dix ans. Il décida donc d'interrompre son interrogatoire pour l'instant en se disant que de toute façon le temps jouerait le rôle de révélation le moment venu. Il rangea son mouchoir couvert de son sang dans sa poche et se rapprocha doucement de Léo dont les sanglots le faisaient encore remuer. Aaron prit place assise au bout du lit et il le regarda là, durant quelques secondes, sans savoir trop quoi lui dire. De toute évidence, d'après ce qu'il avait cru comprendre, le pauvre avait été abandonné par ses parents. Morts ou enlevés ? Une grande question pouvait se soulever dans l'esprit de tous et provoquer de grands dégâts chez un enfant aussi fragile. La bienveillance d'Aaron eut alors raison de lui lorsqu'il songea que ce garçon avait presque l'âge de sa soeur... Si tel avait été le cas, il aurait été là pour elle. Sans s'en rendre compte, il posa ainsi une main chaleureuse sur l'épaule de Léo.

    - Excuse moi ! Je ne voulais pas te faire pleurer. C'est juste qu'on m'a amené ici sans m'expliquer pourquoi. Promis je ne t'embête plus avec tout ça.

    S'arrêtant instantanément de pleurer, le petit brun se redressa en épongeant ses larmes grâce à son revers de manche. Il fronça d'abord les yeux comme pour s'assurer de la véracité des propos de son aîné. Puis, il se remit en position de tailleur en tripotant nerveusement son lapin qui en avait vu de belles au vu de son oeil décousu et des quelques lacérations visibles.

    - Elyas reviendra bientôt. Il t'expliquera comme il m'a expliqué pour mes parents, indiqua-t-il avec une soudaine assurance.

    - J'espère

    Soufflant ce dernier mot, Aaron se laissa tomber sur le lit comme épuisé par toutes les péripéties qu'il avait traversées ces dernières heures. Ses yeux fixèrent un court instant le plafond avant qu'il ne replonge dans un océan de pensées. Il fut tellement loin dans sa tête, qu'il ne sentit même pas son acolyte de chambre descendre du lit. Il était dans sa bulle, isolé du monde, imperméable à toutes les perturbations qui se faisaient autour de lui. Seules les images de la nuit hantaient son esprit et malmenaient son corps qui était parcouru de spasmes par moment. Si d'abord il revoyait Justin disparaître dans la demeure de Madame Hildebert, très vite des souvenirs plus sombres firent irruption par le biais de ces hommes étranges aux oreilles pointues et de cette créature effrayante qui avait tenté de le pourchasser. Ce qui ne devait être qu'un moment de détente se transforma très vite en un sommeil mouvementé...

    Ce fut le crépitement du bois qui extirpa Aaron des bras de Morphée. Il eut du mal à émerger puis doucement, il se remémora tout ce qui lui était arrivé. Il se redressa en espérant que tout cela ne fut qu'un cauchemar mais malheureusement il se trouvait toujours dans cette pièce qu'il ne connaissait pas. Il retomba alors sur le matelas en baillant grossièrement. Depuis combien de temps s'était-il assoupi ? Comment était arrivé sous les couvertures ? Un torrent de questions le malmenait de nouveau.

    - Tu es réveillé !

    La voix était apparue si soudainement qu'il en sursauta de peur. De nouveau assis sur le lit, il vit alors le visage de Léo qui lui souriait.

    - J'ai jamais vu personne dormir aussi longtemps que toi.

    - Pourquoi il est quelle heure ?

    - Je sais pas. Tu as loupé Edwin. Mais on ne doit pas être loin de midi donc on va bientôt manger.

    Se frottant les yeux, Aaron observa alors la pièce et constata qu'en effet un plateau avait été déposé sur la table présente non loin du feu. Bien que ne contenant plus qu'un bol usagé, cela signifiait qu'en effet quelqu'un était passé pendant qu'il dormait. Zut !!! Voilà qu'il venait de louper une chance de comprendre ce qu'il lui arrivait. Une rage l'envahit tandis que Léo semblait vraiment content de le voir enfin debout.

    - Tu veux bien jouer aux billes avec moi ? Je m'ennuie tout seul.

    Si en premier lieu, le jeune Durtsam s'apprêtait à l'envoyer voir ailleurs il se ravisa à la dernière seconde se disant que le pauvre n'avait rien à voir avec tout ça. Après tout, puisqu'il était enfermé ici, pourquoi ne pas passer le temps à s'occuper un peu. Pas de télévision, pas de jeu vidéo, pas de magasine... En résumé, un jeu de billes était donc le meilleur moyen de s'amuser dans cette chambre prison.

    - D'accord mais je ne sais pas comment on y joue. J'ai plus l'habitude de jouer à ma console.

    - C'est facile tu vas voir ! S'écria heureux le petit garçon qui venait de trouver enfin un nouvel ami pour s'amuser.

    La fin de matinée se déroula ainsi, loin des soucis qui avaient perturbé la vie de notre cher Aaron. Une parenthèse durant laquelle l'amusement et les rires lui firent le plus grand bien. Mais malheureusement tout ceci n'était pas amené à durer...

     

    Suite : "Chapitre 5"


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  • Chapitre 3 : Une Découverte Flamboyante



    Le lendemain, Aaron avait vite quitté la demeure familiale pour se rendre à l'école. Il n'avait pratiquement pas ouvert la bouche depuis son réveil et n'avait même pas voulu prendre le petit déjeuner que lui avait pourtant préparé sa mère. En même temps, il n'avait fait que ressasser l'incident de la veille durant une bonne partie de la nuit et n'avait pas trouvé réponses à toutes ses questions. Même si sa mère lui avait apporté la preuve qu'aucun monstre ne vivait chez la vieille bique, il restait persuadé que cette dernière dissimulait des choses. C'est donc quelque peu agacé, qu'Aaron remonta sa rue, sac sur le dos, pour se diriger vers son école. Cependant, lorsqu'il passa devant la maison de Karen Hildebert il ne put réprimer un frisson qui lui parcourut tout le corps et s'arrêta un instant pour l'observer. Mais ceci fut de courte durée car la vieille dame tira brusquement le rideau de sa cuisine et lui jeta un regard qui n'avait rien de bienveillant. Aaron se remit alors à marcher, bien plus vite qu'au départ et quitta son quartier.

    - C'est bien la première fois que je te vois si pressé d'aller en cours ! Toussota une voix derrière lui qui semblait essoufflée.

    Le demi tour qu'opéra le garçon lui permit alors de voir apparaître juste devant lui son meilleur ami, Justin Holmes, qui afficha une joie évidente en voyant qu'Aaron venait d'interrompre sa cadence infernale. Les deux jeunes  hommes se connaissaient depuis fort longtemps. Ayant grandi dans les mêmes endroits, ils avaient tissé des liens d'amitié dès leur première rencontre dans le jardin d'enfant voisin du quartier. Au fil du temps, ils étaient devenus inséparables et partageaient toutes leurs aventures comme deux frères. Passions, problèmes personnels, soucis de famille, premiers émois... Ils n'avaient aucun secret l'un pour l'autre.

    - Oh salut Justin ! Désolé je... Je ne faisais pas attention.

    - Tu pensais à qui pour ne pas m'entendre t'appeler à l'autre bout de la rue ? Marjorie ? Ah non je sais, la fille du bus de la dernière fois.

    Levant les yeux au ciel, Aaron ne prit même pas la peine de répondre à cette perche que lui tendait son ami car il savait que sinon il en aurait pour toute la journée. Oui il avait été charmé par cette fille qu'il n'avait jamais vu auparavant mais cela ne voulait pas dire pour autant qu'il en était tombé amoureux. Des fois, Justin pouvait se montrer très puéril et taquin. Surtout dans ce domaine là car il savait qu'Aaron n'était pas à l'aise avec la gente féminine.

    - Bon d'accord j'arrête, ajouta-t-il en se positionnant à côté de son ami. Mais cela ne m'explique pas pour autant pourquoi tu tires une tête pareille. Je te connais trop bien pour savoir que y'a quelque chose qui va pas. Allez raconte ! Encore un problème avec ton père ?

    - Non, rétorqua Aaron comme unique réponse.

    - Bah alors quoi ? T'as fait une connerie et t'es puni jusqu'à la fin de ta vie ?

    - Non !!! Grogna-t-il cette fois avec un certain agacement.

    Aaron savait que de toute façon Justin n'arrêterait pas de le questionner comme un flic tant qu'il ne parlerait pas. Son meilleur ami était vraiment quelqu'un de têtu et obtenait très souvent, pour ne pas dire tout le temps, ce qu'il souhaitait. Expirant comme vaincu après un combat éreintant, notre ami s'arrêta donc de marcher et se tourna vers Justin dont l'attention était à son apogée.

    - Je t'avais dit que je devais travailler pour la vieille bique ce week end suite à la riche idée de mon père.

    - Oui. Et alors ça s'est mal passé ?

    - Non... Enfin oui. Euh... Enfin j'en sais rien en fait. Il m'est arrivé un truc bizarre là bas.

    - Bah raconte.

    Sachant pertinemment que son meilleur ami ne le jugerait pas et ce peu importe ce qu'il lui dirait, Aaron se laissa alors aller aux confidences en racontant toute son histoire. Ceci dura un certain laps de temps durant lequel les deux adolescents poursuivirent le trajet qui leur restait à parcourir pour rejoindre l'arrêt de bus. Des groupes d'élèves s'étaient déjà formés lorsqu'ils arrivèrent à destination. Mais ils ne se mêlèrent pas de suite à eux, préférant poursuivre leur conversation.

    - Et parce que ta mère t'a dit qu'il n'y avait rien, tu vas laisser tomber ? On sait depuis toujours que la vieille bique est étrange. Souviens toi à Halloween quand les frères Stinley ont voulu frapper à sa porte pour obtenir des bonbons. Bizarrement ils sont repartis en criant, complètement effrayés, et sont rentrés chez eux pour pleurer dans les bras de leurs parents. Ils disaient avoir vu des monstres. Forcement tout le monde a mis ça sur le compte des déguisements des autres enfants mais toi et moi on sait que ça n'était pas ça.

    - Oui bon d'accord je sais. Mais que veux tu que je fasse ? J'ai aucune preuve de tout ça.

    - Non... Mais on peut essayer d'en obtenir, suggéra alors soudainement Justin l'air malicieux.

    Des deux garçons, Justin Holmes était sans doute le plus curieux et imaginatif. Parfois on l'accusait même d'avoir une mauvaise influence sur Aaron mais il n'en était rien. Ils adoraient simplement se lancer des défis et approfondir leurs recherches sur des choses qui les intriguaient. Baignant dans l'univers fantastique avec leurs jeux vidéo , leurs films et leurs bandes dessinées, Madame Hildebert apparaissait donc comme une mine d'or à leurs yeux. Ça n'était pas sans raison qu'on la surnommait la sorcière des Beaux Marais selon eux ! Seul petit hic : ceci n'avait toujours été qu'une rumeur que les parents du quartier racontaient à leurs enfants pour les effrayer et avoir la paix. L'adolescence était alors l'occasion de passer à autre chose... Mais pas pour Justin et Aaron qui restaient persuadés que derrière cette rumeur, une part de vérité se cachait. Ils avaient là l'occasion de satisfaire une fois de plus leur curiosité maladive et de prouver aux autres que les sorcières existaient.

    - Tu viens toujours chez moi ce soir ? Demanda alors Justin qui semblait en pleine réflexion.

    - Oui pourquoi ?

    - Et bien je propose que je vienne te chercher. Ça sera l'occasion de s'arrêter non loin de chez la vieille bique et de l'observer un peu pour tenter de voir ce qu'elle cache.

    - Hummm tu crois ?

    Le jeune Durtsam ne semblait pas vraiment emballé par cette idée. Non pas qu'il ne voulait pas découvrir le secret de Karen Hildebert mais c'est surtout qu'il redoutait les représailles de ses parents. Seulement la main que lui posa Justin sur l'épaule et son regard assuré lui fit rapidement oublier ses doutes et il accepta. La journée allait pouvoir enfin se poursuivre et il était temps car deux amis à eux s'avançaient dans leur direction tandis que des bruits de freins et les lamentations d'un moteur fatigué se firent entendre au loin : le bus de l'école n'allait pas tarder à pointer le bout de son nez à l'autre bout de la rue.

                                                             ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤

    Le soir arriva bien vite prenant la place d'une journée qui fut riche en rebondissements. Dès qu'ils en avaient eu l'occasion, les deux amis n'avaient pas arrêté de reparler de cette histoire et avaient tenté de mettre en place leur plan pour la soirée. C'était donc avec des idées plein la tête, qu'Aaron était rentré chez lui pour se préparer. Oubliée sa mauvaise humeur du matin, sa mère constata d'ailleurs qu'il affichait un air satisfait ce qui la soulagea car c'était le signe pour elle qu'il avait tiré un trait sur l'incident qui s'était produit la veille. Mais tout ceci n'était qu'illusion car dans sa chambre, l'adolescent réunissait déjà le matériel du parfait espion qu'il comptait prendre dans son sac. Voilà pourquoi, lorsqu'il déposa ce dernier à côté de la porte d'entrée, un bruit métallique se fit entendre. Par chance, sa maladresse n'attira pas l'attention de ses parents qui étaient bien trop occupés à discuter d'une chose qui concernait le travail du paternel. Ne restait donc plus qu'à attendre que Justin arrive.

    Ce n'est que lorsque le soleil eut totalement disparu que l'attente interminable prit fin. Aaron avait eu le temps de faire deux parties de jeu de société avec sa soeur qui n'avait cessé de l'embêter pour jouer avec elle. Au moment où la sonnette vibra de toute son intensité, il se releva avec fougue et accourut au plus vite vers la porte d'entrée. Mais ce fut son père qui fut le plus rapide puisqu'il se trouva déjà à la porte lorsqu'Aaron dévala les escaliers menant à l'étage. Le regard suspicieux qu'il lui envoya fit comprendre au jeune garçon que son trop grand empressement pouvait le trahir dans ses intentions. Il décida donc de se calmer et termina son trajet plus calmement, laissant son père ouvrir à son ami.

    - Justin ! Quel plaisir de te voir. Entre mon garçon.

    - Merci Monsieur.

    - Tu as encore grandi non ?

    - Sans doute monsieur

    C'était une évidence, Justin Holmes n'était pas à son aise devant le père d'Aaron. Il faut dire que Gabriel Durtsam n'était pas homme qui souriait facilement et n'avait pas non plus une aura chaleureuse. Il savait se faire craindre de tous et la moindre parole qu'il adressait prenait une allure de couteau aiguisé qui pouvait vous faire mal à tout moment. Pour appuyer son malaise, Justin alla même jusqu'à chercher Aaron du regard pour qu'il lui vienne en aide. Et c'est ce que fit ce dernier pendant que son père abordait déjà la question du comment allait les parents de son ami.

    - Tu sais papa on va être en retard. La mère de Justin a prévu de nous amener au cinéma juste après le repas.

    - Au cinéma ? Répéta Gabriel intrigué par le comportement mal assuré de son fils. Et qu'allez vous voir ?

    - Euh... Un film...

    - Un film qui parle d'un pays imaginaire parallèle au notre. On dit que c'est le nouveau Peter Pan des temps modernes. Poursuivit aussitôt Justin pour compléter la réponse bancale de son ami.

    Loin d'être satisfait de cette réponse, Gabriel Durtsam s'en contenta toutefois laissant alors son fils partir avec son ami. Comme d'habitude, Aaron eut le droit à toutes les règles à suivre lorsqu'on est invité chez quelqu'un. Puis, ce dont il avait horreur, sa mère le câlina tel un gros bébé sous les yeux amusés de Justin qui n'avait pas intérêt de sourire sous peine de remontrances. Tout ceci enfin passé, le duo quitta la demeure familiale sans oublier d'emporter avec eux le sac soigneusement préparé.

    D'un pas rapide, les deux petites silhouettes traversèrent la rue qui n'était plus inondée que par la lumière des réverbères et celle provenant des fenêtres des diverses maisons. Une vielle voiture croisa leur chemin mais le conducteur n'eut le temps de les apercevoir puisqu'ils disparurent juste à ce moment là dans le petit sentier caché du quartier. Justin récupéra alors son sac qu'il avait laissé juste à l'orée puis s'engouffra le premier dans ce tunnel sombre que la nature avait creusé. Hésitant l'espace d'un instant en se remémorant son cauchemar, Aaron s'empara d'une petite lampe torche qu'il avait pris soin d'amener avec lui et emboita le pas à son ami. Silencieux, prudents, les deux garçons avancèrent jusqu'à l'autre bout mais ne sortirent pas de la pénombre qui leur permettait de rester cacher aux yeux des autres. Justin s'assit. Aaron fit de même. Et ils observèrent durant un long moment la demeure de la vieille bique avant que le silence ne soit rompu.

    - Si on veut voir quelque chose il faut qu'on s'approche plus que ça Aaron.

    - Non mais ça va pas ! Et risquer qu'elle nous voit roder autour de chez elle. Là c'est sûr, mes parents me tuent.

    - Bah tu proposes quoi alors ? On va pas rester ici. Ça sert à rien !

    - Et bien on laisse tomber et on va chez toi. De toute façon je t'avais dit dès le départ que c'était pas une bonne idée.

    - Rentrer ? Et bien fait ce que tu veux. Vas dans les jupons de ta mère si ça t'amuse ! Mais moi je vais jeter un oeil.

    Le ton était monté entre les deux amis avec une rapidité impressionnante. Ils avaient pourtant commencé leur opération d'espionnage dans le calme mais là, une bombe était sur le point d'éclater entre les deux. Piqué au vif face au manque de courage de son ami, Justin partit comme une fusée en direction de la maison tant redoutée. Aaron eut beau tenter de le rappeler à plusieurs reprises, son meilleur ami fit la sourde oreille et poursuivit son avancée tel un agent secret. Figé sur place, crispé comme jamais, Aaron était en proie à diverses émotions qui se percutaient dans son corps. De la colère contre son ami, de la peur face à ce qui pouvait arriver, de la honte pour son inaction... Oui tout ceci se mélangeait en lui tandis que ses yeux ne cessaient de fixer l'ombre de Justin qui bientôt disparut derrière la demeure de Madame Hildebert.

    - Quel Crétin ! Jura-t-il en frappant un arbre avec son pied.

    Aaron se retrouva seul pendant un long moment. L'inquiétude grandissait en lui telle la lave d'un volcan en éruption. Bientôt l'explosion viendrait et il ne serait pas bon de croiser son chemin. Un craquement se fit brusquement entendre derrière lui. Sursautant, il tourna la tête pour tenter de connaître l'origine de ce bruit. Seulement, avec cette nuit sombre et tous ses arbres qui surplombaient le sentier, il était très difficile de voir quoique ce soit. Un second craquement le mit en alerte et il s'empressa de se mettre debout et de pointer alors sa lampe torche devant lui. Mais, par malchance, le faisceau de lumière disparut au moment même où il le dirigea devant lui. Et il eut beau secouer sa lampe, la frapper, rien n'y fit : Elle ne fonctionna pas. Inquiet, notre ami recula alors prudemment en gardant un oeil sur ce noir qui lui faisait place. Ainsi, il espérait pouvoir réagir au cas où quelqu'un ou quelque chose lui sauterait dessus...

                                                  BOOOM ! TSSSSSS !!! GLIINNNG !

    Un vacarme sans nom le sortit de sa torpeur le faisant sursauter de plus belle. Aaron eut tout juste le temps de se retourner qu'il vit la maison de Karen Hildebert en proie aux flammes. Des vitres explosèrent tandis qu'on pouvait également apercevoir des sortes de petits éclairs apparaître de temps à autre à l'intérieur de la demeure. Le spectacle était si impressionnant qu'Aaron en laissa tomber son sac et resta la bouche ouverte face à ce qui se déroulait devant ses yeux. Soudain, son visage passa de la surprise à une expression d'horreur. Justin !!! Justin était parti à l'intérieur de cette maison attaquée par les flammes. Ni une ni deux, il courut en ayant l'espoir de retrouver son ami sain et sauf.

    Lorsqu'il arriva sur le perron, une nouvelle fenêtre de l'étage explosa en morceaux répandant de nombreux débris de verre sur la pelouse tondue la veille. N'écoutant que son courage, Aaron avança jusqu'à la porte en évitant toutes les projections que le feu et les explosions lui envoyèrent. Son coeur battait comme jamais face au danger mais il ne céderait pas car la vie de son ami et celle de Madame Hildebert était en jeu. D'accord, il n'appréciait pas vraiment cette dernière mais là n'était pas une raison pour la laisser brûler chez elle comme une sorcière sur le bûcher. Il posa la main sur la clinche, la pressa fortement et poussa avec fureur la porte qui s'ouvrit sans mal.

    C'est à cet instant qu'Aaron eut vraiment du mal à croire ce qui se présenta devant ses yeux. Au vu de l'incendie, il s'était attendu à ce que cela soit de la faute de la vieille bique qui avait oublié un truc sur le feu ou une de ces satanées bougies placées trop près de ses rideaux. Mais non, la cause était sans nul doute bien plus complexe. Plusieurs hommes aux tuniques noires et aux oreilles pointues étaient allongés sur le sol, comme mort. Et à l'autre bout du couloir se dressait une énorme créature. Les yeux figés sur cette dernière, notre ami put voir qu'elle ressemblait à une sorte d'oiseau en bien plus gros et bien plus grand. Elle devait avoisiner les un mètre de hauteur. Dépourvue d'ailes, la créature possédait quatre griffes acérées à chacune de ses pattes et un long bec affuté la rendant redoutable aux yeux de l'adolescent.

    Mais le pire restait à venir car l'entrée d'Aaron n'avait pas été faite en douceur et le bruit qu'il avait causé attira l'attention de l'animal qui le toisa de ses yeux rouges... Les mêmes yeux rouges qu'il avait déjà vu auparavant. Le puzzle se fit alors de lui même dans l'esprit du jeune garçon et il eut alors la preuve que son accident ne venait pas de son imagination. Seulement, crier victoire maintenant n'était peut-être pas la meilleure chose à faire car dans un cri effrayant, l'animal le chargea tel un lion fusant sur sa future proie. La réaction d'Aaron fut alors simple et rapide : Il referma avec hâte la porte et se plaqua dessus pour éviter que ce monstre ne la transperce. La violence du coup l'obligea à faire un pas en avant mais il fut soulagé de voir que cette horrible chose n'avait pas pu l'attaquer. Toutefois, au vu des cris atroces qu'il poussait, l'oiseau monstrueux ne s'avouait pas vaincu. C'est pourquoi, se disant qu'il valait mieux aller chercher des secours, Aaron prit ses jambes à son cou abandonnant sans le vouloir son ami qu'il n'avait pas retrouvé.

    Jamais le jeune Durtsam n'avait couru aussi vite. Si son professeur de sport avait été dans les parages il aurait sans doute pu changé la mauvaise note qu'il lui avait attribué lors du dernier examen. Mais loin de se soucier de son bulletin qu'il recevrait prochainement, Aaron poursuivait son chemin pour se rendre jusque chez lui et ainsi avertir ses parents de ce qui se passait. Pour gagner du temps, il coupa par le sentier qu'il connaissait si bien. Même si le noir régnait en maître il gagnerait un temps précieux. Seulement, toutes ces péripéties lui avaient fait oublier ces craquements qu'il avait entendus et il ne prit pas garde à cette personne qui se dressa devant lui. L'impact fut alors inévitable et si l'individu ne bougea pas d'un pouce, Aaron, quant à lui, fit un joli vol plané qui se termina douloureusement sur le sol. Il sentit une douleur à son genou ainsi qu'un peu de sang couler de sa lèvre.

    Toutefois l'inquiétude du garçon ne se porta pas sur ses blessures mais plutôt sur la silhouette qui s'avançait vers lui. Paralysé par la peur, il n'osa ni bouger, ni parler. On lui posa une main sur la jambe puis sur la tête, comme si on l'examinait. Puis on le prit par le bras et le força à se relever. Ses jambes tremblèrent un peu mais la volonté d'Aaron lui permit de se tenir debout. Ce fut alors que la voix du mystérieux inconnu se fit entendre pour s'adresser à notre ami.

    - Le temps nous est compté Aaron. Mets tes mains sur ce sceptre.

    - Quoi ? Mais qui êtes vous ? Comment vous connaissez mon nom ? Demanda le garçon complètement perdu et apeuré par tout ce qu'il venait de vivre.

    - Je t'en prie. Les explications viendront le moment venu. Mais pour le moment fais moi confiance.

    - Pourquoi faire ? C'est pas votre sceptre qui va aider en quoique ce soit. Il faut appeler les pompiers. Et la police aussi car y'a des drôles de gars là bas... Et aussi une créature étrange.

    - Aaron ! S'il te plait, écoute moi. Ce n'est pas les gens de ton monde qui peuvent venir à bout de ces êtres. Tu as besoin d'être mis en sûreté.

    - En sûreté ? Mais pourquoi ? Et Justin ? Mon ami est là bas ! Lui aussi il faut le mettre en sûreté, déglutissait-il en sentant les larmes lui monter aux yeux.

    - Prends ce sceptre et je te promets de tout faire pour sauver ton ami.

    La discussion avait jeté un froid glacial dans ce sentier déjà si sombre. Le jeune Durtsam ne comprenait absolument pas ce qui lui arrivait. En même temps qui aurait pu comprendre ? Tout ceci n'avait rien de réel. Et comment pouvait-il croire un homme qu'il ne connaissait pas et dont il ne voyait pas le visage ? Seulement, à y réfléchir, cet inconnu était peut-être le seul espoir qu'avait notre héro pour sauver son ami. Il se mordilla les lèvres, avalant alors le sang qui coulait toujours. Puis, sans savoir vraiment pourquoi, il se laissa convaincre et posa ses deux mains sur le bâton que lui présentait l'homme.

    Une sensation étrange s'empara alors de lui comme un vertige naissant au creux de son ventre et gagnant tout son corps. Une lumière blanche s'échappa du sceptre lui permettant l'espace d'un instant de voir le visage de cet homme qui semblait vouloir l'aider. Un homme tatoué d'une trentaine d'années à la tenue d'une époque révolue. Mais cette vision se brouilla rapidement pour faire place à un trou noir.

    Aaron venait de quitter son quartier pour une destination encore inconnue...

     

    Suite : "Chapitre 4"


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