• Chapitre 4 : Le Refuge d'Elyas

    Chapitre 4 : Le Refuge d'Elyas

     

    L'obscurité régnait en maître offrant toute liberté aux pensées du jeune homme qui ne se gênaient pas pour le martyriser. Le pauvre faisait face à un océan de question et peu importe la technique pour laquelle il optait, cela ne l'aidait pas à nager vers une quelconque réponse plausible. Mais que lui était-il arrivé ? Tout ceci était-il le fruit d'un rêve si proche de la réalité que ça en devenait effrayant ? Si tel était le cas, Aaron se promit de ne plus jamais passer des heures à jouer à tous ces jeux vidéos dont sa mère avait une sainte horreur. Il s'était toujours moqué des mises en garde qu'on ne cessait de rabâcher sur un excès de jeu mais pour la première fois il commençait à croire que cela n'était pas que de simples mots.

    Soudain son corps, qui jusque là semblait flotter, se posa plus ou moins lourdement sur un sol ferme. La sensation de trouble intérieur s'estompa puis la lumière se refit doucement autour de lui. Ouvrant progressivement les yeux, se fut comme si notre ami se réveillait après une très longue nuit et que le soleil brillait déjà de toutes ses forces. Il cligna alors des yeux et tenta de repérer où il avait atterri. Devant lui se dévoilait une vaste pièce dont les murs et le plafond étaient entièrement fais de bois. Un feu était allumé dans une vieille cheminée présente dans l'un des coins de la pièce et crépitait mélodieusement. Cette source de lumière apportait alors une chaleur réconfortante qui correspondait plutôt bien à la décoration style cocooning qui ornait tout l'endroit. Deux lits étaient également visibles et s'alignaient parfaitement l'un derrière l'autre jusqu'à la porte de ce qui de toute évidence correspondait à une chambre.

    - Que fais-tu avec le bâton d'Elyas ?

    Cette voix légère à laquelle Aaron ne s'attendait vraiment pas le surpris à tel point qu'il amorça une échappée vers la porte au cas où il serait encore la proie d'un monstre. Mais le tour de magie dont il venait d'être la victime l'avait encore un peu trop affaibli et ses jambes ne répondirent pas à sa demande. Du coup, le pauvre garçon se fit un croche patte tout seul et s'écrasa de tout son long sur le sol de la chambre. Le bâton qu'il tenait toujours jusque là fut alors abandonné à son triste sort et, après avoir imité la chute d'Aaron, il roula un instant jusqu'à se cogner contre le pied du premier lit.

    Des bruits sourds et rapides se firent alors entendre de derrière notre ami. L'autre individu présent était sans doute entrain de courir. Mais étrangement, les bruits de pas ne s'approchèrent pas vraiment de lui. Au départ, Aaron l'avait cru puis cela s'était éloigné jusqu'à s'estomper complètement. S'interrogeant sur le pourquoi de ce silence devenant inquiétant mais ne souhaitant pas attendre non plus qu'on le tue, le jeune Durtsam posa les mains sur le sol et poussa de toutes ses forces pour lui permettre de se relever. Sans plus tarder, il poursuivit sa course vers la porte qu'il entrouvrit sans mal et reclaqua cette dernière derrière lui. A présent, il faisait face à un ridicule petit hall carré qui ne devait pas faire plus de trois mètres sur trois. D'autres portes étaient accessibles au centre de chacun des murs de la pièce et au beau milieu du plafond était accroché un lustre magnifique composé de branche en or dont les fruits étaient représentés par de petits cristaux transparents.

    Aaron resta là un petit moment, dos à la porte qu'il venait de fermer. Mais où avait-il atterri bon sang ? Et comment tout cela était-il possible d'ailleurs ? Il était perdu et n'espérait qu'une chose à cet instant se réveiller et oublier rapidement son cauchemar. Mais pour l'heure, il devait songer au plus pressé, à savoir sortir de là. D'un pas décidé, il s'empressa d'aller ouvrir la porte en face de lui mais cette dernière était fermée à clé. Il tenta sa chance avec celle de droite mais n'eut pas plus de succès. Et ce fut la même chose avec la dernière des portes qui resta impassible devant son acharnement pour l'ouvrir. Le visage inquiet de l'enfant se reporta alors sur la porte par laquelle il était arrivé. Elle restait l'unique endroit où il était autorisé à aller. Mais qui y'avait-il à l'intérieur ? D'ailleurs qu'était devenu l'individu qui lui avait parlé ? Plus aucuns bruits ne se faisaient entendre de l'autre côté.

    Poussé par sa curiosité mais aussi parce qu'il n'avait pas vraiment d'autres choix, Aaron décida de repartir là où il était apparu. La porte s'ouvrit lentement cette fois-ci. La main fébrile de notre ami restait crispée sur la poignée tandis qu'il tenta de passer la tête dans l'entrebaillement pour observer les environs. C'est là que son regard se posa sur la personne qui lui avait certainement parlé : Un enfant bien plus jeune que lui, qui s'était recroquevillé dans un coin de la pièce en serrant le plus fort possible une peluche d'un blanc neige ressemblant à un lapin. A cet instant, personne n'aurait pu dire lequel des deux gamins était le plus effrayé mais ce qui est sûr c'est que cela aida Aaron à pénétrer de nouveau dans la pièce sans avoir l'impression que quelqu'un souhaite le tuer.

    Précautionneusement, le jeune Durtsam se glissa jusqu'au lit qui faisait face à l'autre enfant qui ne le quitta d'ailleurs pas une seule seconde des yeux. La peur était facilement perceptible dans son regard bien que d'apparence, Aaron n'était pas quelqu'un de monstrueux. Il alla même jusqu'à s'emmitoufler un peu plus derrière ses jambes, ne laissant plus que la tête de sa peluche dépasser.

    - Désolé. J'ai du te faire peur... Annonça Aaron d'un ton hésitant.

    Seulement, l'autre enfant resta muet et figé comme une pierre. La confiance n'était pas au rendez-vous mais il n'allait pas baisser les bras pour autant. De toute façon, ce dernier était le seul être vivant présent dans leur prison de bois.

    - Je m'appelle Aaron. Tu sais où on est ?

    Malheureusement, le petit ne bougea pas d'un cil, gardant ses yeux grands ouverts comme si le moindre clignement pouvait engendrer de graves conséquences. Soufflant en voyant que tout ceci était peine perdu, la tête d'Aaron bascula vers le sol affichant ainsi son grand désespoir. Mais qu'avait-il fait pour mériter tout ça ? Les souvenirs des dernières heures lui remontèrent à la surface et sa gorge se noua en repensant à son ami qu'il n'avait pas pu secourir.

    - Moi c'est Léo... Léo Rhys !

    La voix légère de l'enfant s'était faite brusquement entendre alors qu'Aaron venait de s'avouer vaincu. Il reporta ainsi toute son attention sur le petit brun qui ne devait d'ailleurs pas mesurer plus de un mètre trente. Léo avait abandonné sa position de foetus qui lui donnait sans doute l'impression d'être protéger. A présent, il était assis en tailleur mais tenait toujours aussi fermement le pauvre lapin blanc qui aurait suffoqué si il avait été vivant. De ses yeux oscillant entre le bleu et le vert, il continuait de détailler Aaron mais cette fois-ci on pouvait y lire une certaine curiosité.

    - Toi aussi tes parents t'ont abandonné ? Demanda alors ce dernier, soucieux d'en apprendre plus sur le nouvel arrivant

    - Euh non. Je... Je ne sais même pas comment je suis arrivé là ni où je suis d'ailleurs. C'est quoi cet endroit ?

    - C'est le refuge d'Elyas, rétorqua-t-il en haussant les épaules pour faire comprendre qu'il trouvait cette question idiote.

    - Et c'est qui Elyas ?

    - Pourquoi tu me demandes ça ? Tu es bien arrivé avec son bâton là bas donc tu le connais, déclara-t-il en pointant du doigt le bâton qui n'avait pas bougé depuis sa chute.

    Voilà alors comment se nommait cet étrange individu qui avait porté secours à Aaron dans le chemin tortueux de son quartier. Elyas... Mais qui était-il cela restait un mystère aux yeux de notre ami dont les pièces du puzzle étaient encore bien loin d'être rassemblées.

    - Tu t'es fait quoi là ? L'interrogea alors le gamin de neuf ans qui s'était soudainement approché de lui et pointait son doigt au niveau de sa bouche.

    Tâtonnant cette dernière du bout des doigts, Aaron sentit un liquide quelque peu visqueux entourer sa lèvre du bas qui de toute évidence était enflée. Il apporta alors ses doigts devant ses yeux et comprit qu'il s'agissait d'un peu de sang, reste de sa mésaventure.

    - Oh ce n'est rien. Je me suis juste cogné.

    Songeant à aller s'essuyer, Léo l'avait devancé car il lui tendait déjà un mouchoir. Le remerciant d'un sourire, Aaron l'empoigna et commença à se frotter en serrant les dents car la douleur était encore présente. Mais cela ne  l'arrêta pas dans ses réflexions qui le torturaient depuis un moment. Il avait besoin de savoir, besoin de comprendre. Et même si son interlocuteur lui semblait bien jeune pour lui apporter toutes les réponses à ses questions, la moindre information était la bienvenue.

    - Tu sais où on est précisément ?

    - Non ! Ils m'ont juste dit que j'allais devoir attendre un peu ici avant que l'on parte vraiment. Par moment, il y a Edwin qui vient pour me donner à manger mais elle ne parle jamais et ne reste jamais longtemps.

    - Qui ça ils ?

    - Et bien Elyas et les personnes qui l'accompagnent par moment.

    - Pourquoi nous ont-ils amené ici ?

    - Je ne sais pas. Je ne les ai pas vu beaucoup.

    - Et où veulent-ils qu'on parte ?

    - Mais j'en sais rien moi ! Rouspéta Léo agacé par toutes ses questions. Moi tout ce que je sais c'est que mes parents ont disparu et que je me suis retrouvé tout seul chez moi pendant plusieurs jours. Elyas est venu me chercher... S'emporta-t-il les larmes se déversant sur ses petites joues roses.

    Un chagrin difficilement contrôlable s'empara alors du plus jeune des deux garçons et il courut dans son lit où il se recroquevilla en serrant très fort sa peluche. Aaron sentit le remord monter en lui. C'est vrai qu'avec toutes ses questions et son ton un peu sévère, il y avait été un peu fort avec ce pauvre petit qui n'avait même pas dix ans. Il décida donc d'interrompre son interrogatoire pour l'instant en se disant que de toute façon le temps jouerait le rôle de révélation le moment venu. Il rangea son mouchoir couvert de son sang dans sa poche et se rapprocha doucement de Léo dont les sanglots le faisaient encore remuer. Aaron prit place assise au bout du lit et il le regarda là, durant quelques secondes, sans savoir trop quoi lui dire. De toute évidence, d'après ce qu'il avait cru comprendre, le pauvre avait été abandonné par ses parents. Morts ou enlevés ? Une grande question pouvait se soulever dans l'esprit de tous et provoquer de grands dégâts chez un enfant aussi fragile. La bienveillance d'Aaron eut alors raison de lui lorsqu'il songea que ce garçon avait presque l'âge de sa soeur... Si tel avait été le cas, il aurait été là pour elle. Sans s'en rendre compte, il posa ainsi une main chaleureuse sur l'épaule de Léo.

    - Excuse moi ! Je ne voulais pas te faire pleurer. C'est juste qu'on m'a amené ici sans m'expliquer pourquoi. Promis je ne t'embête plus avec tout ça.

    S'arrêtant instantanément de pleurer, le petit brun se redressa en épongeant ses larmes grâce à son revers de manche. Il fronça d'abord les yeux comme pour s'assurer de la véracité des propos de son aîné. Puis, il se remit en position de tailleur en tripotant nerveusement son lapin qui en avait vu de belle au vu de son oeil décousu et des quelques lacérations visibles.

    - Elyas reviendra bientôt. Il t'expliquera comme il m'a expliqué pour mes parents, indiqua-t-il avec une soudaine assurance.

    - J'espère

    Soufflant ce dernier mot, Aaron se laissa tomber sur le lit comme épuisé par toutes les péripéties qu'il avait traversé ces dernières heures. Ses yeux fixèrent un court instant le plafond avant qu'il ne replonge dans un océan de pensées. Il fut tellement loin dans sa tête, qu'il ne sentit même pas son acolyte de chambre descendre du lit. Il était dans sa bulle, isolé du monde, imperméable à toutes les perturbations qui se faisaient autour de lui. Seules les images de la nuit entaient son esprit et malmenaient son corps qui était parcouru de spasmes par moment. Si d'abord il revoyait Justin disparaître dans la demeure de Madame Hildebert, très vite des souvenirs plus sombres firent irruption par le biais de ces hommes étranges aux oreilles pointus et de cette créature effrayante qui avait tenté de le pourchasser. Ce qui ne devait être qu'un moment de détente se transforma très vite en un sommeil mouvementé...

    Ce fut le crépitement du bois qui extirpa Aaron des bras de Morphée. Il eut du mal à émerger puis doucement, il se remémora tout ce qui lui était arrivé. Il se redressa en espérant que tout cela ne soit qu'un cauchemar mais malheureusement il se trouvait toujours dans cette pièce qu'il ne connaissait pas. Il retomba alors sur le matelas en baillant grossièrement. Depuis combien de temps s'était-il assoupi ? Comment était arrivé sous les couvertures ? Un torrent de question le malmenait de nouveau.

    - Tu es réveillé !

    La voix était apparue si soudainement qu'il en sursauta de peur. De nouveau assis sur le lit, il vit alors le visage de Léo qui lui souriait.

    - J'ai jamais vu personne dormir aussi longtemps que toi.

    - Pourquoi il est quelle heure ?

    - Je sais pas. Tu as loupé Edwin. Mais on ne doit pas être loin de midi donc on va bientôt manger.

    Se frottant les yeux, Aaron observa alors la pièce et constata qu'en effet un plateau avait été déposé sur la table présente non loin du feu. Bien que ne contenant plus qu'un bol usagé, cela signifiait qu'en effet quelqu'un était passé pendant qu'il dormait. Zut !!! Voilà qu'il venait de louper une chance de comprendre ce qu'il lui arrivait. Une rage l'envahit tandis que Léo semblait vraiment content de le voir enfin debout.

    - Tu veux bien jouer aux billes avec moi ? Je m'ennuie tout seul.

    Si en premier lieu, le jeune Durtsam s'apprêtait à l'envoyer voir ailleurs il se ravisa à la dernière seconde se disant que le pauvre n'avait rien à voir avec tout ça. Après tout, puisqu'il était enfermé ici, pourquoi ne pas passer le temps à s'occuper un peu. Pas de télévision, pas de jeu vidéo, pas de magasine... En résumé, un jeu de bille était donc le meilleur moyen de s'amuser dans cette chambre prison.

    - D'accord mais je ne sais pas comment on y joue. J'ai plus l'habitude de jouer à ma console.

    - C'est facile tu vas voir ! S'écria heureux le petit garçon qui venait de trouver enfin un nouvel ami pour s'amuser.

    La fin de matinée se déroula ainsi, loin des soucis qui avaient perturbé la vie de notre cher Aaron. Une parenthèse durant laquelle l'amusement et les rires lui firent le plus grand bien. Mais malheureusement tout ceci n'était pas amené à durer...

     

    Suite : "Chapitre 5"